Il y a 19 ans, le 27 octobre 2005, Zyed Benna et Bouna Traoré mouraient électrocutés à Clichy-sous-Bois. Ce tragique événement a déclenché les émeutes de 2005 en France et reste un symbole de la fracture entre les quartiers populaires et les forces de l’ordre.
Le 27 octobre 2005, Zyed Benna, 17 ans, et Bouna Traoré, 15 ans, trouvaient la mort par électrocution à Clichy-sous-Bois, après s’être réfugiés dans un poste de transformation électrique pour échapper à un contrôle de police. Ce drame a marqué un tournant majeur dans l’histoire récente des relations entre les quartiers populaires et les forces de l’ordre en France.
Les jeunes revenaient d’une après-midi de football lorsqu’ils ont été interpellés par la police suite à l’appel d’un employé de funérarium. La police a rapidement déployé une Brigade Anti-Criminalité (BAC) sur les lieux. Face à cette présence policière, les adolescents ont pris la fuite, redoutant un passage au commissariat, synonyme de retard pour le repas de rupture du jeûne du Ramadan. Malheureusement, leur course s’est terminée dans l’enceinte du poste EDF, où Zyed Benna et Bouna Traoré ont perdu la vie, tandis que Muhittin Altun, un troisième adolescent, en est ressorti grièvement brûlé mais vivant. « S’ils rentrent sur le site EDF, je ne donne pas cher de leur peau », avait affirmé un des deux policiers.
Un événement déclencheur des émeutes de 2005
La mort tragique des deux adolescents a été le catalyseur des émeutes qui ont embrasé les banlieues françaises en 2005. La ville de Clichy-sous-Bois a été le premier épicentre de ces affrontements entre les jeunes habitants et les forces de l’ordre, avant que la colère ne se propage dans d’autres villes du pays. À l’époque, les autorités ont tenté de minimiser les circonstances du drame. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, avait affirmé que les jeunes étaient « des cambrioleurs », tandis que le Premier ministre Dominique de Villepin qualifiait les émeutes de « non spontanées » et de « parfaitement organisées ».
Ces déclarations ont attisé les tensions et nourri un sentiment d’injustice chez les habitants des quartiers populaires. La réaction gouvernementale incluant l’instauration de l’état d’urgence pendant plusieurs jours a renforcé la perception d’une répression généralisée.
Un procès et une relaxe controversée
En 2007, deux policiers impliqués dans l’affaire ont été mis en examen pour « non-assistance à personne en danger ». Le procès s’est tenu en mars 2015, attirant une large attention médiatique. Les policiers encouraient jusqu’à cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende. Cependant, le tribunal a conclu qu’il n’y avait pas de « conscience claire d’un péril grave et imminent », relaxant ainsi les accusés.
Cette décision a été perçue comme un déni de justice par les familles des victimes et par une grande partie de la population des quartiers populaires. En 2016, la cour d’appel de Rennes a confirmé ce jugement, provoquant de nouvelles critiques sur la relation tendue entre les institutions judiciaires et les populations des quartiers.
Les répercussions sociales et la mémoire des victimes
Le verdict a laissé un sentiment d’injustice durable, renforçant le fossé entre les quartiers populaires et les institutions françaises. Selon le sociologue Didier Lapeyronnie, « le verdict a été interprété comme un profond déni de justice ». Les relations entre la police et les populations des quartiers populaires restent marquées par une défiance persistante.
À la suite de ces événements, l’association ADM — Au-delà des Mots — a été créée par Samir Mihi pour soutenir moralement et matériellement les familles de Zyed Benna, Bouna Traoré et Muhittin Altun. Une plaque a également été installée devant le collège Robert-Doisneau, en mémoire des deux jeunes victimes.
Un symbole de la fracture entre quartiers et institutions
Dix-neuf ans après les faits, la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré reste un symbole de la fracture sociale et institutionnelle en France. Les émeutes de 2005 ont mis en lumière les tensions latentes et les inégalités persistantes dans les banlieues françaises, questionnant la gestion sécuritaire et les politiques publiques mises en place depuis.