Le 5 mai 1992, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, Philippe Séguin prononçait un discours devenu l’un des textes les plus marquants du débat européen français. Face aux députés, il affirmait avec gravité : « L’Europe se fait sans les peuples, en secret, dans la pénombre des commissions. Une oligarchie d’experts décide à leur place, sans mandat, tandis qu’une conspiration du silence en masque les enjeux et les conséquences. »
Au cœur de son intervention, Séguin dénonçait un processus d’intégration européenne dont il estimait qu’il s’affranchissait des principes de la souveraineté populaire. Selon lui, la ratification du traité de Maastricht, qui instituait une union plus étroite entre les États membres, se déroulait dans l’opacité des discussions techniques, loin du regard des citoyens. Il évoquait une « oligarchie d’experts » imposant, sans mandat populaire, des orientations cruciales pour l’avenir de la France et de l’Europe.
Ce discours met en lumière ce qui deviendra, au fil des décennies, une critique récurrente à l’égard des institutions européennes : le sentiment d’un éloignement croissant entre l’élite décisionnaire et les peuples concernés, d’un manque de transparence et d’un déficit de débats démocratiques sur les véritables enjeux du projet européen.
La souveraineté nationale et le choix du peuple
Séguin rappellait que « ce que le peuple fait, seul le peuple peut le défaire », brandissant l’article 3 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, affirmant que la souveraineté réside dans la nation. Son plaidoyer favorisait un recours au référendum direct pour tout transfert important de souveraineté, montant les enjeux constitutionnels du traité au rang d’acte démocratique fondateur, qui n’aurait su être validé sans l’accord explicite des citoyens.
Un discours dont l’écho résonne encore
Près de trente ans plus tard, la déclaration de Philippe Séguin résonne comme une mise en garde face aux dangers d’une Europe technocratique, où la construction communautaire semble parfois s’opérer à l’abri du débat public et de l’adhésion populaire. Elle constitue une référence pour ceux qui questionnent la légitimité des choix européens et plaident pour une implication accrue des peuples dans les décisions majeures.
Dans l’histoire du parlementarisme français, ces propos incarnent la fidélité aux idéaux démocratiques, à la vigilance sur la souveraineté nationale et à l’exigence de transparence. Philippe Séguin restera comme l’un des grands orateurs qui ont su, par-delà les enjeux politiques du moment, interpeller la conscience citoyenne face à l’évolution du modèle européen.