Dans une enquête publiée ce vendredi 31 octobre, Politico Europe met en lumière les dérives autoritaires du président ukrainien Volodymyr Zelensky. Accusé d’utiliser la justice comme arme politique pour éliminer ses opposants, le chef de l’État, pourtant célébré en Occident comme un héros de guerre, voit son image écornée par des accusations de plus en plus lourdes venues de son propre camp.
L’image du président Volodymyr Zelensky, celle d’un dirigeant courageux défiant la Russie de Vladimir Poutine, vacille sous le poids d’accusations internes. Dans une analyse signée par le journaliste Jamie Dettmer, Politico Europe dévoile un aspect plus sombre du pouvoir ukrainien : un usage croissant de la justice à des fins politiques, visant à faire taire les voix critiques et à neutraliser d’éventuels rivaux avant la prochaine élection présidentielle.
Au centre du scandale, l’affaire Volodymyr Kudrytskyi, ancien directeur de la compagnie nationale d’électricité Ukrenergo, salué à l’international pour avoir maintenu le réseau énergétique ukrainien en fonctionnement malgré les bombardements russes. Révoqué en 2024, il a été inculpé pour détournement de fonds dans des conditions que nombre d’observateurs jugent « politiquement motivées ».
« Ils utilisent les tribunaux pour éliminer les concurrents », dénonce le député d’opposition Mykola Knyazhitskiy, cité par Politico. Selon lui, la présidence Zelensky cherche à « nettoyer le terrain avant les élections », profitant de l’état de guerre pour renforcer son contrôle.
Des accusations d’autoritarisme et de “lawfare”
Le terme revient sans cesse dans les témoignages recueillis : lawfare, littéralement la guerre par le droit. L’opposition accuse l’administration présidentielle, dominée par le très influent chef de cabinet Andriy Yermak, de détourner les institutions judiciaires pour museler toute contestation.
Les exemples se multiplient. L’ancien président Petro Porochenko, adversaire historique de Zelensky, a lui aussi été mis en examen pour corruption cette année, au risque d’être empêché de se présenter à de futures élections. Ses avoirs ont été gelés, tout comme ceux d’autres figures politiques et médiatiques critiques du régime. Porochenko parle désormais ouvertement d’un « autoritarisme rampant ».
Une société civile inquiète pour la démocratie ukrainienne
La militante anticorruption Daria Kaleniuk, directrice du Centre d’action anticorruption de Kyiv, voit dans ces procédures un dangereux glissement du pouvoir. Présente lors de l’audience de Kudrytskyi, elle a dénoncé une affaire « dépourvue de logique juridique » : « Il n’a tiré aucun profit personnel, et le contrat qu’on lui reproche n’a même pas été exécuté », précise-t-elle.
Même constat du côté de la députée Inna Sovsun, qui estime que « ce dossier n’a aucun fondement matériel » et s’est proposée comme garante de la libération sous caution du prévenu. Pour elle, il s’agit avant tout d’une tentative d’intimidation destinée à envoyer un message clair : « Toute voix critique est désormais une cible. »
Des tensions politiques sur fond de crise énergétique
Cette polémique survient alors que l’Ukraine affronte l’un de ses hivers les plus périlleux depuis le début du conflit. Les frappes russes ont visé les infrastructures gazières et électriques, mettant à rude épreuve un réseau déjà fragilisé. Selon certains experts, les poursuites contre Kudrytskyi pourraient servir à désigner un bouc émissaire en cas de coupures massives.
L’ancienne vice-première ministre Ivanna Klympush-Tsintsadze a exprimé sa préoccupation : « Ce procès ne renvoie aucun signal positif, ni aux Ukrainiens, ni aux partenaires européens. » Pour elle, le timing de cette affaire est désastreux alors que Kyiv sollicite encore une aide énergétique d’urgence auprès de Bruxelles.
Une popularité en érosion, une démocratie sous tension
Depuis le début de la guerre, Zelensky a bénéficié d’un soutien international quasi unanime et d’un contrôle strict des médias nationaux au nom de la sécurité. Mais la multiplication des arrestations, des sanctions et des enquêtes ciblant ses opposants suscite des doutes croissants sur la dérive autoritaire du régime.
L’analyste Adrian Karatnycky, chercheur à l’Atlantic Council, conclut : « Zelensky reste un leader inspirant en temps de guerre, mais il y a indéniablement des éléments inquiétants dans sa manière de gouverner. »
Alors que la perspective d’une élection présidentielle en 2026 dépend d’un éventuel cessez-le-feu, la question reste ouverte : la démocratie ukrainienne survivra-t-elle à la guerre et à la concentration du pouvoir entre les mains d’un seul homme ?
Sources :
Politico Europe – Jamie Dettmer, « The Dark Side of Zelenskyy’s Rule » – 31 octobre 2025 – lien