Loin de l’image du libérateur des esclaves que l’histoire retiendra de lui, Abraham Lincoln, président américain proche de la franc-maçonnerie, a un jour envisagé d’expulser les Noirs américains vers l’Amérique centrale. Le 14 août 1862, en pleine guerre de Sécession, le président des États-Unis convoque à la Maison Blanche une délégation de leaders noirs pour leur exposer son projet : une colonisation hors des frontières américaines.
Ce jour-là, cinq hommes afro-américains sont reçus officiellement pour la première fois à la Maison Blanche pour une rencontre politique. Conduits par le révérend Joseph Mitchell, commissaire à l’Émigration, ils ne se doutent pas qu’ils vont assister à un moment historique aussi déroutant qu’oublié. Face à eux, Abraham Lincoln ne cache pas son dessein : les Noirs doivent quitter les États-Unis.
Dans un discours d’une franchise brutale, le président déclare :
« Il y a entre nous plus de différence qu’entre aucune autre race. […] Nous souffrons des deux côtés […] Voilà au moins une bonne raison de nous séparer. »
Le président les informe qu’une enveloppe budgétaire a été prévue par le Congrès pour financer leur départ vers une colonie envisagée en Amérique centrale, plutôt qu’au Liberia, jugé trop éloigné. Lincoln suggère que ce nouveau territoire, doté de ressources naturelles et d’un climat similaire à celui de l’Afrique, conviendrait aux Afro-Américains.
Lincoln, entre pragmatisme et ségrégation
Alors que la guerre de Sécession fait rage, Lincoln voit dans la cohabitation entre Noirs et Blancs l’une des causes du conflit fratricide qui ensanglante la nation. Il avance que l’esclavage est une injustice, mais persiste à penser que l’égalité raciale est impossible.
« Même si vous cessez d’être esclaves, vous êtes encore bien loin d’être sur un pied d’égalité avec la race blanche. »
L’objectif de cette « colonisation », selon lui, est double : préserver l’unité de l’Union et éviter que les tensions raciales ne continuent à nourrir la guerre.
Une page oubliée de l’histoire américaine
Le silence stupéfait de la délégation à la fin du discours en dit long sur le choc causé par ces paroles. Edward Thomas, leur porte-parole, n’a que le temps de promettre une réponse future. L’échange, relaté dans Les secrets de la Maison Blanche de Nicole Bacharan et Dominique Simonnet, lève le voile sur une facette méconnue de Lincoln, souvent érigé en symbole de l’émancipation mais resté longtemps fidèle à l’idée d’un exil des Noirs pour résoudre la « question raciale ».
Les liens de Lincoln avec la Franc-maçonnerie
L’appartenance d’Abraham Lincoln à la franc-maçonnerie fait débat. Dans son livre, « Utopistes, radicaux et universalistes. Les francs-maçons aux origines de la IIIe République« , Philip Nord, présente l’ancien président américain comme un « franc-maçon ».
Bien qu’il ait montré un intérêt pour la franc-maçonnerie, notamment avant sa présidence, en envisageant de rejoindre une loge à Springfield, il aurait renoncé craignant que cela soit perçu comme un acte politique.
Aucun document historique ne prouve son initiation. Des proches francs-maçons, comme Benjamin B. French, ont confirmé qu’il ne l’était pas.
Toutefois, le monument funéraire de Lincoln à Oak Ridge Cemetery, Springfield, Illinois, contient des éléments architecturaux (colonnes, obélisque) et des symboles parfois associés à la franc-maçonnerie.