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Pierre Moukoko Mbonjo, ancien ministre des Relations extérieures du Cameroun (à gauche) et un frère. Image : ChatGPT X X-Pression média.

Cameroun : Le Grand Orient de France va se prononcer sur la reconnaissance d’une nouvelle obédience maçonnique

Parmi les débats feutrés mais brûlants qui traversent les cercles d’influence camerounais à l’approche de l’élection présidentielle de 2025, un sujet divise au sein de la franc-maçonnerie locale. Le Grand Orient de France (GO), principale obédience maçonnique française, est appelé à se prononcer en juin sur la reconnaissance du Grand Orient du Cameroun (GOC), une nouvelle structure nationale portée par plusieurs figures politiques et économiques du pays.

Le projet, initié par Yves Martin Ahanda Assiga, député et chirurgien à l’hôpital général de Yaoundé, vise à « revivifier » une maçonnerie perçue comme affaiblie, divisée et marginalisée des débats de société. « On n’entend pas les maçons alors que le Cameroun vit un moment crucial », déplore un frère engagé dans l’initiative. L’ambition : faire de la franc-maçonnerie un espace de dialogue entre factions politiques opposées, alors que le pays s’apprête à entrer dans une séquence électorale à hauts risques.

Douala, retour aux sources

Le 18 avril dernier, à Douala, a eu lieu l’« allumage des feux » de la loge baptisée Lumière du Cameroun, un geste hautement symbolique dans une ville considérée comme le berceau maçonnique du pays. Cette loge, autrefois fréquentée par des figures historiques telles que Félix Éboué ou Blaise Diagne, fut la première en Afrique centrale, avant de disparaître dans le contexte des indépendances. Sa résurrection, presque un siècle plus tard, veut incarner une renaissance.

Le nouveau collège se compose de personnalités bien en vue : Olivier Behle, ex-président du Groupement interpatronal du Cameroun (Gicam), aujourd’hui Gecam ; le banquier Hervé Emmanuel Nkom ; et l’avocat Théodore Elessa. Tous assurent que la loge attirera rapidement de nouveaux membres sensibles aux idéaux de liberté et de fraternité.

Dissidence ou nouvelle voie ?

Mais dans les arcanes maçonniques, la manœuvre est loin de faire l’unanimité. Le GOC est perçu par certains comme une scission opportuniste de la Grande Loge Unie du Cameroun (Gluc), qui reste, pour l’heure, affiliée au Grand Orient de France. Les initiateurs de la nouvelle obédience sont qualifiés de « dissidents » issus de la loge n°5 de la Gluc.

La rupture est doctrinale autant qu’organisationnelle. Le GOC privilégie le Rite écossais rectifié, ou Rite français, quand la Gluc reste fidèle au Rite écossais ancien, plus rigide. L’un des points de crispation majeurs réside dans la question de la mixité. Plusieurs initiateurs du GOC, dont Richard Ndjock, haut fonctionnaire au ministère de la Santé, ont été radiés de la Gluc pour avoir participé à la création en 2017 de la Grande Loge féminine du Cameroun. Parmi les initiées : Marie Rose Dibong, secrétaire d’État, la députée Élise Pokossy Doumbé ou l’entrepreneure Mariette Moulongo.

Guerre de loges et jeux d’influence

La franc-maçonnerie camerounaise n’est pas étrangère aux rivalités d’obédience. Outre la Gluc, le Grand Orient du Cameroun devra composer avec la Grande Loge nationale du Cameroun (GLNC), affiliée à la Grande Loge nationale de France (GLNF). Mais cette dernière est elle-même engluée dans des querelles internes, notamment autour du long règne de Pierre Moukoko Mbonjo, ancien ministre des Relations extérieures et grand maître en poste depuis vingt ans.

Notons au passage que Moukoko Mbonjo apparaît dans les fichiers du Club Le Siècle, cercle d’influence fondé en France par des élites politiques, économiques et maçonniques d’après-guerre. Un détail qui illustre l’intrication persistante entre réseaux maçonniques et cercles de pouvoir transnationaux, bien au-delà des frontières camerounaises.

Une reconnaissance en suspens

La reconnaissance officielle du Grand Orient du Cameroun par le GO français constituerait un séisme dans l’équilibre maçonnique local. En consacrant une nouvelle obédience, le GO entérinerait de facto l’échec de l’unité maçonnique au Cameroun. Mais à quelques mois d’un scrutin décisif, elle pourrait aussi redonner à la franc-maçonnerie une voix dans les débats de fond.

Reste à savoir si le GO optera pour le soutien à une « refondation » ou s’il tranchera en faveur de la stabilité. Dans les deux cas, la franc-maçonnerie camerounaise, historiquement discrète, est désormais à la croisée des chemins.

Source : Jeune Afrique.

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