Pour la première fois, un président de la République a pris la parole au sein de la Grande Loge de France ce lundi 5 mai. Emmanuel Macron y a défendu la laïcité, la liberté de conscience et le rôle historique des francs-maçons dans la construction républicaine à l’approche du 120e anniversaire de la loi de séparation des Églises et de l’État. Le chef de l’État a réaffirmé l’esprit de liberté qui fonde la loi de 1905 afin que chacun puisse se reconnaître en République.
Le Grand Maître de la Grande Loge de France Thierry Zavéroni a accueilli Emmanuel Macron avec solennité, saluant une « première historique » : jamais un président en fonction n’avait franchi le seuil du temple Pierre-Brossolette, a-t-il souligné. Il a vu dans cette visite un hommage à la franc-maçonnerie, à son apport historique et à ses valeurs communes avec la République.
Il a affirmé que la devise républicaine « Liberté, Égalité, Fraternité » était d’abord celle des francs-maçons, qui l’utilisaient dans leurs cahiers d’architecture avant même que la République ne l’utilise. Revenant sur l’histoire, il a cité de nombreux francs-maçons ayant marqué la République et de Félix Faure à Pierre Brossolette, en passant par les compagnons de la Libération. Il a également cité les maçons proche des chefs de l’Etat qui se sont succédés, dont le père de Georges Pompidou ou le grand père de Jacques Chirac. Il a rappelé queValéry Giscard d’Estaing avait invité pour la première fois les grands maîtres des obédiences à l’Élysée, tandis que François Mitterand avait consulté Jean Verdun en sa qualité de grand maître, mais que c’était bien la première qu’un président acceptait de se rende dans les locaux de la Grande Loge.
Le Grand Maître a souligné l’engagement discret mais concret de la Grande Loge de France, mentionnant son fonds de dotation « Fraternité et Humanisme » qui soutient des actions solidaires et culturelles, comme un camion hôpital pour l’Ukraine, une aide après le séisme au Maroc, ou la restauration de Notre-Dame de Paris.
Il a insisté sur l’importance de la loi de 1905, qu’il considère comme un « sommet de sagesse républicaine », protectrice de la liberté de conscience et garante du vivre-ensemble. Pour lui, la laïcité « n’est pas une arme de division mais une promesse de fraternité », permettant à chacun d’exprimer sa spiritualité librement et de dialoguer avec les autres traditions
Enfin, il a conclu en réaffirmant que la franc-maçonnerie est pleinement engagée dans le monde contemporain, comme en témoigne la publication d’un livre blanc sur la fin de vie, refusant les extrêmes et les replis identitaires.
Macron salue le rôle de la franc-maçonnerie dans l’histoire de la République française
Le chef de l’État a livré un discours dense, à la fois hommage aux francs-maçons et rappel solennel de l’esprit républicain et laïque.
Dans le grand temple Pierre-Brossolette, Macron a salué la place unique de la franc-maçonnerie dans l’histoire française, qualifiant la relation entre la République et les loges de « conversation polie par des siècles de combat, de communion de pensée et de connivence qui n’a rien d’un complot ». Il a rappelé la filiation directe entre la franc-maçonnerie et l’esprit des Lumières, dont elle est selon lui « l’enfant tout naturel ».
Le président a longuement évoqué les valeurs cardinales – liberté, égalité, fraternité – qu’il a associées à des figures maçonniques majeures comme Pierre Simon, engagé pour les droits des femmes, ou Pierre Brossolette, résistant socialiste mort pour la France. « Toute cette histoire montre que la République, en franc-maçonnerie, est plus que chez elle. Elle est dans son foyer et dans son cœur », a-t-il affirmé.
Emmanuel Macron a profité de ce discours pour défendre la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905, dont le 120e anniversaire sera célébré en décembre prochain. Pour lui, « la loi de 1905 n’est pas un édit de tolérance, c’est une loi de liberté », garantissant à chacun la possibilité de croire ou de ne pas croire. Il a mis en garde contre les lectures « identitaires » qui voudraient en faire un instrument d’exclusion contre certaines religions, et a rappelé que « la laïcité est liberté, la liberté est laïcité ».
Le chef de l’État a également dénoncé les attaques récurrentes visant la franc-maçonnerie, souvent accusée à tort selon lui de vouloir fomenté des complots. Il a décrit un « projet idéologique des Lumières noires » venu des États-Unis, cherchant à « effacer l’héritage de trois siècles de progrès humain » et à imposer la hiérarchie des conditions contre l’égalité, ou la guerre contre la fraternité.
Il a souligné qu’en France, « un organe de presse vous a récemment fait procès de vouloir peser sur les débats relatifs à la fin de vie, usant au passage d’une iconographie qui était oubliée depuis Vichy ». « Soyez-en fiers, que comme les autres grandes familles spirituelles, les francs-maçons s’emparent de ce débat fondamental, la fin de vie. C’est une bonne chose. »
Le président français a multiplié les clins d’oeil devant les frères, soulignant le rôle du frère Arnaud Beltrame, rappelant que « le frère Montesquieu s’amusait à surnommer le pasteur des Aguilliers, l’un des fondateurs de la franc-maçonnerie, de grands Belzébuth de tous les maçons ».
Enfin, Emmanuel Macron a exhorté les francs-maçons à continuer d’être « des ambassadeurs de la fraternité » et à défendre la laïcité comme « instrument de réunion ». Il a conclu en saluant leur rôle essentiel dans une société fragmentée par les réseaux sociaux et les algorithmes, où « bâtir du commun suppose d’écouter, de comprendre, de douter, d’échanger ».