Plongé un an dans un coma en 1921, le professeur suisse Paul Amadeus Dienach affirme avoir vécu dans le corps d’un homme de l’an 3906. Ses journaux intimes, publiés un demi-siècle plus tard, décrivent une humanité apaisée, radicalement transformée. Longtemps conservé dans des cercles restreints et parfois associé à la franc-maçonnerie, ce récit oscille entre expérience mystique, fiction visionnaire et légende moderne.
Né en 1884 à Zurich, Paul Amadeus Dienach enseigne l’allemand et le français, promis à une carrière discrète. Rien ne laisse présager qu’il deviendra, à titre posthume, l’auteur d’un manuscrit entouré de rumeurs, de disparitions et d’interprétations mystiques. En 1917, il est frappé une première fois par une maladie rare, l’encéphalite léthargique, mais c’est en 1921 que sa vie bascule : Dienach sombre dans un coma profond qui durera un an. Lorsqu’il émerge des ténèbres, il affirme avoir été conscient tout du long, mais non dans son propre corps.
Selon son témoignage, sa conscience aurait été projetée en 3906, incarnée dans un homme nommé Andreas, hospitalisé dans une civilisation à la langue inconnue, aux consonances nordiques. Les habitants de cette époque, intrigués par cette conscience étrangère, lui auraient enseigné l’histoire de l’humanité. Le texte décrit une vaste fresque futuriste dans laquelle les XXᵉ et XXIᵉ siècles sont dominés par les guerres mondiales, l’exploitation de l’homme par l’homme et la destruction de la nature. Il évoque l’avènement d’un Nouvel Ordre Mondial concentrant le pouvoir tandis que violence, pauvreté et surpopulation frappent la planète. Mars accueille un temps une colonie humaine qui disparaît lors d’un cataclysme tuant les 20 millions de personnes qui l’avaient colonisé. En 2309, l’Europe est ravagée par une guerre nucléaire, entraînant de grandes migrations et un effondrement spirituel de l’humanité. Commence ensuite « l’âge des héros », période durant laquelle naît un gouvernement mondial mettant fin aux frontières et unifiant les peuples sous une même citoyenneté. En 2894, dans la Vallée des Roses entre Grèce et Macédoine, surgit le « Mouvement des Deux Cents », qui engendre une nouvelle spiritualité et un être humain transformé, plus libre et joyeux. Enfin s’ouvre « l’âge de raison », où un homme nommé Alex Volky, en 3382, libère l’humanité de la douleur et enseigne une forme de méditation intense, porteuse de joie mais potentiellement mortelle pour qui n’y est pas préparé.
Dienach décrit une société profondément réinventée, où la propriété privée a disparu, où chaque individu ne travaille que deux années de sa vie, et où la procréation est strictement régulée pour préserver un équilibre démographique. L’amour libre y serait la norme, tandis qu’une spiritualité omniprésente guiderait une humanité enfin apaisée après des siècles de crises.
Affaibli après son coma et atteint de tuberculose, Dienach quitte la Suisse pour Athènes, espérant qu’un climat plus doux prolongera ses jours. Il y enseigne les langues et rencontre un étudiant, Georgios Papachatzis, futur responsable politique qui aurait été un membre éminent de la franc-maçonnerie hellénique. C’est à lui qu’il confie, avant de quitter la Grèce en 1923 puis de mourir en 1924, une mallette contenant plus de 800 pages de notes rédigées après son coma. Papachatzis mettra cinquante ans à traduire et organiser ces journaux, les publiant finalement sous le titre Les Chroniques du futur.
C’est là que la légende s’épaissit. Divers récits circulant sur le web affirment que l’ouvrage aurait été conservé par des milieux maçonniques grecs, Papachatzis étant parfois présenté comme un haut grade — une affirmation relayée notamment par Soul:Ask et par des sites ésotériques comme truthfacts.info.
Selon ces sources, Papahatzis aurait partagé ce manuscrit bien avant sa publication au sein d’un cercle fermé de francs-maçons, qui y virent une matière philosophique majeure et firent de Dienach une sorte de prophète moderne. Jusqu’en 1972, le texte aurait circulé exclusivement dans ces milieux, jalousement protégé par une culture du secret qui juge le public « non préparé » à de telles révélations. Mais Papahatzis, en désaccord avec cette rétention, aurait finit par publier une première version durant la dictature militaire grecque. Cette initiative lui aurait valut hostilité et sanctions.Il aurait perdu son emploi, la hiérarchie religieuse l’ayant accusé d’hérésie et les rares exemplaires du livre disparaissèrent aussitôt.
Ce n’est que récemment qu’un travail éditorial mené par l’auteur Achilleas Sirigos permet une édition modernisée, désormais accessible sur Amazon. Pour beaucoup, cette renaissance offre une clé nouvelle pour explorer les frontières incertaines entre hallucination liée à la maladie, expérience métaphysique et construction littéraire. Dienach n’a jamais revendiqué de mission prophétique ; ses écrits ressemblent davantage à un fardeau qu’à un message programmatique.
La force de ce récit réside peut-être dans cette ambiguïté même : une confession intime devenue mythe, un journal médical transformé en épopée temporelle, un homme fragile dont les visions continuent, un siècle plus tard, de fasciner lecteurs, chercheurs et amateurs d’ésotérisme. Le livre fait d’ailleurs toujours l’objet de discussions passionnées sur les forums maçonniques.
Sources :
Unknown Boundaries – « Chronicles Of The Future: A Story Kept Secret By Freemasons » – https://www.unknownboundaries.com
Soul:Ask – Analyse sur le lien entre Dienach et la franc-maçonnerie – lien
truthfacts.info – Articles relatifs aux récits entourant les journaux de Dienach – https://www.truthfacts.info
Les crieurs du web – lien