Antoine Pinay, ancien membre du Conseil national de Vichy, qui a été blanchi après guerre, avant de devenir Premier ministre sous la Ive République, fut une figure marquante de la politique française du XXe siècle, étant notamment à l’origine du « nouveau Franc ». Mais au-delà de ses rôles publics connus, sa participation à des cercles moins visibles, comme le groupe Bilderberg, le Cercle et les réseaux Stay-Behind de l’OTAN, révèle une autre facette de son influence.
Issu d’une famille de Saint-Symphorien sur Coise, qui travaillait dans la Chapellerie, une industrie florissante à l’époque dans les régions lyonnaises est stéphanoies, Pinay entame sa carrière politique pendant la Troisième République à Saint-Chamond, où il occupe les fonctions de maire et de conseiller général.
Il a été déclaré invalide durant la première guerre mondial, après avoir reçu des éclats d’obus lors de la bataille de la Marne. Durant la Seconde guerre mondial, il vote les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain le 10 juillet 1940 et est décoré de l’ordre de la Francisque, car Pinay faisait partie des notables de province sur lequel Pétain voulait s’appuyer.
Le rôle joué par Pinay, durant la seconde guerre mondial sera débattu après la Libération. En 1944, il fut assigné à résidence et privé de son droit d’être candidat aux élections du 5 septembre. Il recevra des soutiens, affirmant que ce procès était le fait d’adversaires communistes. Après l’intervention de René Cassin, vice-président du Conseil d’État, soulignant son opposition à l’occupation allemande, ses droits de citoyen furent rétablis le 5 octobre 1945. En 1946, il sera blanchit par une commission officielle qui le présentera comme un opposant de longue date aux nazis, soulignant son aide à la Résistance. Elle le laissera totalement libre de toute charge. Il put alors se présenter avec succès aux élections à l’Assemblée Constituante en tant que candidat modéré.
Après guerre, il illustre la montée en puissance de la droite, discréditée après la Libération, que l’on appelait alors les « modérés », des conservateurs théoriquement favorables au libéralisme économique, qui faisait profil bas.
Il a contribué à la création d’un parti conservateur, le Centre national des indépendants et paysans (CNIP), créer par le sénateur-maire de Beaune, Roger Duchet, pour contrer l’émergence du Rassemblement du peuple français (RPF) du Général De Gaulle. Le CNIP qui regroupait les indépendants a permis de recycler nombre de notables qui avaient fait preuve de complaisance à l’égard de Vichy et deviendront plus tard des défenseurs de l’Algérie française. Il comptait comme figure de proue, Michel Poniatowski, un ancien des services spéciaux de l’Armée, antigauliste et proche de Valéry Giscard d’Estaing, membre du groupe Bilderberg, une organisation réunissant des élites européennes et nord-américaines pour discuter de politique, d’économie et de société, souvent perçue comme un forum d’influence sur la gouvernance mondiale.
Alors que la Troisième force, une cohalition de partie politiques s’opposant aux communistes et aux gaullistes, perdait beaucoup de voix aux législatives de 1951, au détriment des soutiens du général De Gaulle, le vice-président de la commission de la Justice à l’Assemblée, Jacques Bardoux a proposé de former un gouvernement d’union nationale en 1952, après avoir dramatisé sur « la situation économique » et prédit « une crise grave ». Bardoux était le grand père de VGE.
Pinay sera alors élu à la présidence du Conseil de la IVe République, équivalant du poste de Premier ministre, au grand dam du général De Gaule. Il succède ainsi à Edgard Faure, dont le gouvernement a été plombé par le projet du ministre François Mitterand d’accepter la souveraineté interne de la Tunisie. Son arrivée au pouvoir, a été perçu à l’époque, comme le retour de la « droite classique », discréditée depuis la Libération. Elle a été saluée par des médias tels que Paris-Match, ou L’Aurore, qui lui était tout acquis. L’acsension de Pinay, illustre la montée en puissance de ce que l’on appelait alors les « modérés », des conservateurs théoriquement favorables au libéralisme économique.
Paris-Match a par exemple salué son premier emprunt national, « face à une crise grave, qui met le franc en péril », voire « au bord de l’abîme ». Il mènera ensuite une amnistie fiscale qui aura toutefois pour effet d’augmenter les contrôles sur les petits commerçants, à l’origine du mouvement de contestation de Pierre Poujade. Au niveau internationale, il a signé en 1952 le traité de Paris, instituant la Communauté européenne de Défense (CED) et fût l’un des participants à la Conférence de Messine, qui aboutira au Traité de Rome en 1957.
Pinay qui a activement soutenu Valery Giscard d’Estaing à l’investiture du CNIP en 1956, travaillera également avec VGE, lorsqu’il deviendra ministre des finances du Général de Gaule en 1958. VGE sera à l’origine avec le président Ford, lui aussi membre du groupe Bilderberg, de la Fondation France Amérique, par laquelle sont passés des contributeurs du FEM, comme François Hollande, Emmanuel Macron ou Bill Clinton. Des désaccords avec de Gaulle, notamment sur la gestion de l’Algérie française, pousseront ensuite Pinay à quitter son poste en 1960.
Antoine Pinay membre du groupe Bilderberg, fondateur du Cercle et responsable des réseaux Stay-Behing de l’OTAN
« L’organisation atlantique doit être une communauté réelle aussi bien militaire qu’économique et politique », a déclaré Pinay, dans les colonnes du Monde, le 17 décembre 1955. Il faut dire qu’avant d’être nommé Premier ministre, il aurait accepté d’être l’un des principaux responsables français des réseaux stay-behind, les réseaux clandestins de l’OTAN mis en place à partir de 1949, selon le journaliste Éric Branca, spécialiste du gaullisme et des services secrets, dans son livre, L’Ami américain.
Toujours est-il qu’Antoine Piney s’est rendu aux réunions du groupe Bilderberg de 1954, 55, 56, 57, 58, et 63, selon la base de donnée établie par Aleksander Zielinsky, de l’université de Fribourg.
Il a crée en 1951, avec l’agent secret Jean Violet, « Le Cercle », un think tank de politique étrangère spécialisé dans la sécurité internationale, connu aussi sous le nom de « Cercle Pinay », qu’il présida de 1953 à 1971. Après s’être retiré de la scène politique française, Pinay a toutefois été nommé médiateur de la République de 1973 à 1974.
En 1971, Shell a apporté une contribution de 38 000 € au Cercle, tandis que la Fondation Ford a également fait don de 26 000 € sur trois ans. Les deux entités, sont affiliées au Forum économique mondial. Le Cercle a fonctionné dans un anonymat presque complet depuis sa création avec seulement une poignée d’articles ayant été écrits à son sujet, de la part de Der Spiegel en 1980, à la suite d’une controverse entourant Franz Josef Strauß, l’un des membres réguliers du Cercle et un autre scandale dans les années 1990, impliquant Jonathan Aitken, à l’époque président du Cercle et membre du parlement du Royaume-Uni. Les membres de ce thnik tank contactées par les journaux ont refusé de répondre à toutes questions concernant ce groupe. L’actuel président du Cercle est Nadhim Zahawi, président du Parti conservateur britannique. Le Think tank compte désormais des membres provenant de 25 pays et se réunit au moins deux fois par an, à Washington.