À quelques semaines du grand rendez-vous diplomatique à New York, Washington a annulé les visas de dizaines de responsables de l’Autorité palestinienne et de l’OLP. Une décision qui pourrait empêcher Mahmoud Abbas de s’exprimer à la tribune de l’ONU et qui illustre la rupture profonde entre l’administration Trump et les dirigeants palestiniens.
Les tensions entre Washington et Ramallah franchissent un nouveau palier. Vendredi 29 août, le département d’État américain a annoncé la révocation ou le refus de délivrer des visas à près de quatre-vingts responsables de l’Autorité palestinienne (AP) et de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Seuls les diplomates affectés à la mission palestinienne auprès des Nations unies pourront poursuivre leurs activités.
Cette mesure, jugée exceptionnelle, pourrait même empêcher le président Mahmoud Abbas de se rendre à New York pour prononcer son traditionnel discours lors de l’Assemblée générale de l’ONU. Dans un communiqué, l’administration Trump justifie cette décision par la responsabilité attribuée aux dirigeants palestiniens dans l’« atteinte aux perspectives de paix » et leur incapacité à respecter leurs engagements.
Washington exige notamment que l’AP répudie explicitement le terrorisme, « y compris le massacre du 7-Octobre », et mette fin à ce qu’il qualifie « d’incitation » dans les programmes scolaires. Le département d’État fustige également les démarches palestiniennes devant la Cour pénale internationale (CPI) et la Cour internationale de justice (CIJ), assimilées à une « guerre judiciaire » qui, selon lui, a contribué à bloquer les négociations de cessez-le-feu à Gaza.
L’usage de l’arme des visas n’est pas inédit. En novembre 1988, l’administration Reagan avait déjà refusé d’accueillir Yasser Arafat et sa délégation, accusés de terrorisme. L’Assemblée générale de l’ONU s’était alors exceptionnellement délocalisée à Genève pour lui permettre de s’exprimer. Ce précédent est aujourd’hui rappelé avec insistance par les diplomaties européennes. Samedi, à Copenhague, le ministre français des affaires étrangères Jean-Noël Barrot a condamné la mesure américaine, rappelant que le siège de l’ONU à New York « ne saurait souffrir d’aucune restriction d’accès ».
Cette décision survient dans un climat diplomatique déjà tendu. Fin juillet, la France avait annoncé son intention de reconnaître l’État palestinien lors de l’Assemblée générale, suivie par une dizaine d’autres pays européens. Une initiative jugée « insignifiante » et « contre-productive » par le secrétaire d’État américain Marco Rubio, qui avait ironisé : « Ils ne peuvent même pas vous dire où se trouve cet État palestinien. »
En interne, la mesure traduit aussi l’approche de Donald Trump face au conflit de Gaza. Fidèle à la ligne de son premier mandat, la Maison Blanche marginalise l’Autorité palestinienne et privilégie les discussions avec Israël et ses alliés arabes, en particulier l’Égypte, le Qatar et l’Arabie saoudite. Selon des révélations d’Axios, une réunion stratégique organisée à Washington ce mercredi 27 août a ainsi réuni le conseiller israélien Ron Dermer, l’ancien premier ministre britannique Tony Blair et Jared Kushner, gendre de Trump. Aucun représentant palestinien n’a été convié.
Cette exclusion nourrit l’impression d’une diplomatie américaine alignée sur les priorités israéliennes, au détriment de toute recherche d’alternative politique crédible pour Gaza et pour l’avenir du processus de paix.
Source :
Le Monde – Les États-Unis utilisent l’arme des visas contre l’Autorité palestinienne avant l’Assemblée générale de l’ONU – lien