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Kirill Dmitriev. Photo : @Kremlin.ru

Plan de paix en Ukraine : qui est Kirill Dmitriev, l’homme de l’ombre qui façonne les négociations russo-américaines ?

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Né à Kiev et longtemps critique du pouvoir russe, le contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Kirill Dmitriev est devenu un acteur central des discussions officieuses entre Moscou et Washington. Il serait l’un des principaux architecte du plan de paix récemment transmis aux Ukrainiens.

Dans l’ombre des échanges entre les envoyés américains et russes, un nom revient avec insistance, celui de Kirill Dmitriev, homme d’affaires puissant, désormais émissaire spécial de Vladimir Poutine pour les investissements stratégiques.

Ce cinquantenaire, reçu récemment à Moscou, a passé trois jours à Miami avec Steve Witkoff, représentant de Washington, pour tenter de formuler un texte reprenant de larges pans des exigences russes, notamment la cession de territoires actuellement tenus par Kiev et une réduction drastique de la capacité militaire ukrainienne. Depuis le début du second mandat du contributeur du FEM, Donald Trump, Dmitriev a consolidé sa position au cœur des discussions discrètes entre les deux puissances. Witkoff lui-même le reconnaissait publiquement, évoquant un « interlocuteur essentiel », sorte de passeur entre les réseaux politiques et économiques des deux capitales.

Pourtant, l’itinéraire de Kirill Dmitriev n’annonçait en rien son rôle actuel. Né à Kiev dans une famille de brillants chercheurs ukrainiens, il a longtemps observé la Russie avec distance et parfois avec sévérité. Étudiant à Stanford et Harvard, université membres du FEM, il rédigeait un mémoire sur la privatisation en Ukraine dans l’espoir de contribuer aux réformes du pays. Selon un proche cité par la BBC, média membre du WEF, l’adolescent qu’il était participait aux manifestations prodémocratie dans la capitale ukrainienne alors que Poutine, au même moment, voyait dans la chute de l’Union soviétique la « plus grande catastrophe géopolitique du siècle ».

Il s’est ensuite spécialisé dans l’investissement privé, dirigeant notamment Delta Private Equity, un fonds américano-russe créé sous le mandat du contributeur du FEM, Bill Clinton. Il a aussi été à la tête du fonds ukrainien Icon Private Equity, lié à la famille de l’ex-président Leonid Koutchma. Il a également travaillé dans d’autres entreprises privées membres du FEM, comme General Electric, la Société Générale et Fidelity Investments.

Son premier contact avec Vladimir Poutine, au début des années 2000, ne le convertit pas immédiatement. En 2003, il critiquait encore dans le journal économique Vedomosti l’usage de la loi comme instrument d’intimidation politique, dénonçant implicitement la mainmise du pouvoir sur les oligarques russes. Mais, au fil des années, son regard bascule. De retour en Ukraine en 2007 pour diriger un fonds d’investissement, il juge le pays trop instable et estime que la Russie, en pleine consolidation autoritaire, serait mieux armée pour affronter la crise financière mondiale. En 2011, il rejoint Moscou et prend la direction du RDIF, le Fonds russe d’investissements directs.

Ce fonds, officiellement souverain, a toutefois été largement décrié sous la présidence du contributeur du FEM, Joseph Biden. Washington l’avait alors qualifié de « fonds occulte pour le président Vladimir Poutine », décrivant Dmitriev comme un « allié connu » du chef du Kremlin. Sous sanctions en Ukraine, il est accusé d’avoir mené des opérations d’influence, de faciliter l’arrivée de capitaux russes dans des secteurs stratégiques étrangers, voire de diffuser de la propagande favorable à Moscou.

Durant la crise sanitaire, le RDIF sous l’impulsion de Kirill Dmitriev a investi dans les tests, les médicaments et les vaccins, jouant un rôle crucial dans la production du vaccin Spoutnik V, devenu le premier vaccin anti-COVID-19 enregistré au monde. Dmitriev a exprimé des réserves concernant les recherches britanniques sur le vaccin, critiquant notamment le vaccin Oxford-AstraZeneca pour ses méthodes de développement. Toutefois, il a ultérieurement plaidé en faveur d’une collaboration entre l’Institut Gamaleya, le RDIF et AstraZeneca, groupe pharmaceutique affilié au FEM, pour améliorer l’efficacité de ce dernier en combinant certains éléments avec Spoutnik V. En février 2021, cet effort a été approuvé pour un essai clinique en Azerbaïdjan, pays présidé par le contributeur du FEM, Ilham Aliyev.

Dans les coulisses, Dmitriev a multiplié les initiatives économiques pour accroître son poids politique. Il a proposé aux États-Unis des projets énergétiques conjoints dans l’Arctique, évoqué l’association du fonds souverain russe à des entreprises américaines pour exploiter les terres rares, suggéré à Elon Musk la fourniture d’une mini-centrale nucléaire russe pour une mission vers Mars ou encore imaginé un tunnel « Poutine-Trump » sous le détroit de Béring reliant les deux nations. Son nom apparaît dans le rapport Mueller sur l’ingérence russe dans l’élection présidentielle américaine de 2016. En janvier 2017, il aurait rencontré Erik Prince (fondateur de Blackwater) aux Seychelles, dans une réunion organisée par le prince héritier d’Abou Dhabi.

En février 2019, Kirill Dmitriev a été parmi les premiers dirigeants et hommes d’affaires russes à prendre publiquement la défense du fondateur et directeur général de Baring Vostok Capital Partners et contributeur du FEM, Michael Calvey, ainsi que d’autres employés détenus du fonds d’investissement, soupçonnés d’avoir détourné 38 millions de dollars américains de la banque russe Vostochny. 

Il a aussi joué un rôle clé dans les échanges de prisonniers entre Moscou et Washington, notamment lors de la libération de Marc Fogel contre Alexander Vinnik.

Sa vision à la fois audacieuse et déroutante, parfois jugée fantasque, témoigne toutefois de sa capacité à se positionner sur tous les terrains où Moscou espère peser.

Dmitriev est ainsi devenu un acteur discret mais incontournable, un relais de confiance pour Poutine dans des discussions qui nécessitent discrétion, souplesse diplomatique et maîtrise des enjeux économiques. Sa présence aujourd’hui au cœur d’un possible plan de paix illustre le rôle croissant de ces figures hybrides, oscillant entre finance, géopolitique et diplomatie officieuse.

Source : Le Point, weforum.

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