Réunis à Genève pour tenter d’aboutir à un traité historique contre la pollution plastique, les représentants de 185 pays n’ont pas trouvé de consensus. Malgré dix jours de négociations, le fossé entre États ambitieux et défenseurs de l’industrie s’est confirmé, repoussant encore l’espoir d’un accord mondial.
Les espoirs d’un accord international majeur pour endiguer la pollution plastique se sont évaporés à l’aube du vendredi 15 août, après une séance plénière à Genève marquée par l’amertume et les désillusions. « Nous n’aurons pas de traité sur la pollution plastique ici à Genève », a résumé le délégué norvégien, actant l’impasse d’un processus pourtant engagé depuis trois ans.
Entamées début août, les discussions ont buté, une fois de plus, sur des divergences profondes entre pays aux priorités opposées. Les délégations de 185 États avaient été réunies dans l’objectif de définir un traité juridiquement contraignant couvrant l’ensemble du cycle de vie des plastiques, de la production à l’élimination. Mais, comme à Pusan (Corée du Sud) en 2024, l’issue a été négative.
Le nouveau texte de compromis présenté au milieu de la nuit du 14 au 15 août comportait encore plus d’une centaine de points non résolus. Une prolongation informelle des négociations, rendue possible par une manœuvre procédurale onusienne, n’a pas suffi à rapprocher les positions. Dans une ambiance enfiévrée, presque chaotique, les chefs de délégation n’ont pu aboutir à un consensus.
Le cœur de la discorde réside dans l’absence de limite fixée à la production mondiale de plastique. Le projet reconnaissait que les niveaux actuels sont « insoutenables », mais se contentait d’un appel à l’action, sans contrainte chiffrée. Une proposition jugée largement insuffisante par les pays « à forte ambition » — notamment l’Union européenne, le Canada, l’Australie et plusieurs États d’Afrique, d’Amérique latine et des îles. Pour ces derniers, le statu quo équivaut à entériner un statu quo environnemental dramatique.
En face, les pays producteurs de pétrole et de plastique, soutenus tacitement par les lobbys de la pétrochimie présents en nombre dans les couloirs du Palais des Nations, s’opposent fermement à toute régulation de la production. Ils prônent une approche centrée sur le recyclage et la gestion des déchets, tout en rejetant l’interdiction des molécules et additifs nocifs.
Luis Vayas Valdivieso, diplomate équatorien et président des débats, a tenté de concilier l’inconciliable. Mercredi, son premier texte de synthèse avait été largement rejeté par l’assemblée. Le document amendé, bien que légèrement plus souple, a subi le même sort. « Ils utilisent une technique bien connue : introduire un texte inacceptable, puis revenir avec un texte médiocre à prendre ou à laisser », a dénoncé l’ONG CIEL, soulignant la faiblesse du compromis proposé.
L’enjeu dépasse les querelles diplomatiques. Depuis l’an 2000, la planète a produit plus de plastique qu’au cours des cinq décennies précédentes, majoritairement à usage unique. Selon l’OCDE, la production annuelle actuelle, estimée à 450 millions de tonnes, pourrait tripler d’ici à 2060 si aucune mesure forte n’est prise. Pire : moins de 10 % des déchets plastiques sont recyclés aujourd’hui.
Malgré l’échec, les négociateurs devront se réunir à nouveau. La prochaine session, prévue avant la fin de 2025, s’annonce cruciale. À moins d’un sursaut politique, le monde risque de laisser filer une occasion décisive de freiner l’un des fléaux majeurs du XXIᵉ siècle.
Source : Le Monde.