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G20 : le rapport Stiglitz alerte sur un risque de fracture démocratique et réclame une révolution fiscale

Sous la supervision du prix Nobel d’économie et contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Joseph E. Stiglitz, un rapport du G20 dénonce l’explosion des inégalités à l’échelle planétaire. Près de la moitié des richesses créées depuis 2000 ont profité au 1 % le plus riche. Les auteurs appellent à une refonte en profondeur des systèmes fiscaux et à la création d’un groupe international dédié, sur le modèle du GIEC.

C’est un cri d’alarme d’une rare vigueur. Publié mardi 4 novembre, le rapport du G20 sur les inégalités mondiales, commandé par la présidence sud-africaine du groupe et coordonné par Joseph Stiglitz, met en évidence un déséquilibre économique d’une ampleur sans précédent. Selon ses conclusions, 1 % de la population mondiale a accaparé près de la moitié des richesses créées entre 2000 et 2024, tandis que les 50 % les plus pauvres n’en ont reçu qu’1 %.

Les auteurs du rapport soulignent que si les écarts se sont réduits entre pays, notamment grâce à la croissance chinoise, ils se sont en revanche aggravés à l’intérieur des nations, et plus encore dans la répartition du patrimoine que des revenus. « Le monde comprend qu’il fait face à une urgence climatique, a déclaré Stiglitz. Il est temps qu’il reconnaisse aussi l’urgence des inégalités. »

Le comité d’experts propose la création d’un groupe international permanent, inspiré du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), chargé de suivre et d’analyser l’évolution des inégalités dans le monde. Ce nouvel organisme aurait pour mission de formuler des recommandations concrètes aux gouvernements et d’assurer la transparence des politiques publiques.

Les conséquences de ce fossé social sont, selon le rapport, d’une gravité croissante : instabilité politique, défiance démocratique, montée des conflits et repli nationaliste. « L’inégalité rend la vie des individus plus précaire et nourrit frustration et ressentiment », y lit-on. Les sociétés les plus inégalitaires auraient sept fois plus de risques de connaître un déclin démocratique.

Cette conclusion résonne avec les mouvements de la “génération Z” qui ont secoué ces derniers mois le Pérou, le Népal, le Sri Lanka, Madagascar ou le Maroc, souvent sur fond de services publics défaillants et d’accès limité à l’éducation ou à la santé. Les auteurs y voient les premiers signes d’une révolte mondiale contre un modèle économique jugé injuste et verrouillé.

Les experts identifient plusieurs causes majeures : mondialisation non réguléerévolution technologiquedésindustrialisation, mais aussi pandémie de Covid-19, qui a aggravé l’endettement des pays du Sud, suivie d’une flambée inflationniste. À cela s’ajoutent les politiques protectionnistes impulsées par Donald Trump, accusées d’avoir déstabilisé les échanges mondiaux.

Autre facteur déterminant : une fiscalité devenue moins progressive. Dans la plupart des grandes économies, les taux d’imposition des entreprises et des plus riches ont chuté de manière spectaculaire depuis vingt ans. Ce recul fiscal a contribué à creuser les écarts, affaiblissant les États et réduisant leur capacité à financer les services publics.

Pour les économistes du G20, seule une refonte fiscale mondiale permettra d’enrayer cette dynamique. Ils plaident notamment pour une taxation accrue des successions, alors que 70 000 milliards de dollars devraient être transmis aux héritiers dans la prochaine décennie. L’idée d’une taxe mondiale sur la fortune, longtemps jugée utopique, refait ainsi surface.

Le rapport revient également sur l’accord de taxation minimale à 15 % des multinationales, conclu en 2021 sous l’égide de l’OCDE après dix ans de négociations. Cet accord, présenté comme historique, est désormais fragilisé : Donald Trump a retiré les États-Unis du dispositif, et les pays du G7 ont annoncé en juin leur intention d’exempter les groupes américains de cette imposition minimale.

Pour Joseph Stiglitz, la bataille des inégalités n’est plus seulement économique mais aussi démocratique. Sans réformes profondes, avertit-il, « le fossé entre riches et pauvres continuera de miner la cohésion sociale, la stabilité politique et la légitimité même des institutions ».

Sources :

Le Monde – « Un rapport du G20 s’inquiète du fossé des inégalités dans le monde et appelle à des réformes fortes, en particulier fiscales » – 4 novembre 2025 – lemonde.fr

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