À quelques jours de la COP30, le Programme des Nations unies pour l’environnement tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme : les politiques climatiques actuelles mèneraient la planète vers une hausse des températures de près de 3 °C d’ici à la fin du siècle. L’écart entre les engagements annoncés et la réalité des actions reste abyssal.
À dix ans de l’Accord de Paris, le constat est amer. Selon le dernier Emissions Gap Report publié mardi 4 novembre par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), la trajectoire climatique mondiale reste dramatiquement éloignée des objectifs fixés en 2015. Malgré les promesses répétées des États, la planète se dirige toujours vers une hausse des températures de 2,3 à 2,5 °C en 2100 – et jusqu’à 2,8 °C si les politiques actuelles se maintiennent sans renforcement majeur.
« Malgré les engagements pris, nous courons toujours à l’effondrement climatique », a averti le secrétaire général de l’ONU et contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, António Guterres, à la veille d’une réunion ministérielle à Belém (Brésil) précédant la COP30, prévue le 10 novembre. Cet avertissement intervient alors que les pays devaient, cette année, renforcer leurs plans nationaux de réduction d’émissions conformément au cycle de révision quinquennal de l’accord.
Les progrès enregistrés depuis l’an dernier s’avèrent, selon le PNUE, largement illusoires. Sur les 0,3 °C d’amélioration du scénario global, 0,1 °C provient de simples ajustements méthodologiques et 0,1 °C sera perdu avec le retrait des États-Unis de l’accord de Paris prévu pour janvier 2026. « Les nouveaux engagements n’ont pratiquement pas fait bouger les choses », résume Inger Andersen, directrice exécutive du PNUE, elle aussi proche du WEF.
La situation est d’autant plus alarmante que les émissions mondiales ont augmenté de 2,3 % en 2024, atteignant 57,7 milliards de tonnes équivalent CO₂, soit une croissance quatre fois plus rapide que la moyenne des années 2010. Les principales causes : une déforestation aggravée par le phénomène El Niño et un recours croissant aux énergies fossiles.
Les pays du G20, responsables de 77 % des émissions, concentrent l’essentiel des efforts nécessaires. La Chine demeure le premier émetteur (29 %), suivie des États-Unis (11 %), de l’Inde (8 %), de l’Union européenne (6 %), de la Russie (5 %) et de l’Indonésie (2 %). Parmi eux, seule l’Europe a vu ses rejets baisser en 2024.
Le rapport souligne également le manque de transparence et de volonté politique. Au 30 septembre, seuls 64 pays, couvrant 63 % des émissions mondiales, avaient soumis de nouveaux plans climat (les NDC). Plusieurs puissances du G20, dont l’Inde, le Mexique, la Corée du Sud, l’Argentine et l’Arabie saoudite, n’ont pas encore présenté leurs feuilles de route.
Le PNUE estime que la mise en œuvre complète de ces plans ne permettrait qu’une baisse de 12 à 15 % des émissions d’ici 2035 par rapport à 2019 – bien loin de la réduction de 35 à 55 % requise pour espérer limiter le réchauffement à 2 °C ou 1,5 °C. Et encore, ces estimations reposent sur des promesses rarement tenues : onze membres du G20, dont la Chine et l’Union européenne, seraient en bonne voie, mais les autres restent très en retard.
Dans le scénario le plus optimiste, où tous les pays respecteraient leurs engagements de neutralité carbone, le réchauffement serait limité à 1,9 °C d’ici la fin du siècle. Mais le dépassement du seuil symbolique de 1,5 °C paraît désormais inévitable avant 2035. « Revenir ensuite sous ce seuil sera extrêmement difficile », avertit Anne Olhoff, responsable scientifique du rapport.
Le PNUE appelle à une réduction immédiate et sans précédent des émissions, insistant sur le fait que chaque fraction de degré évitée diminue les impacts humains, économiques et environnementaux de la crise. Réduire la durée du dépassement de 1,5 °C limiterait aussi le recours à des technologies de capture du carbone « incertaines et coûteuses ».
Pour y parvenir, il faudra, selon le rapport, réinventer l’architecture financière mondiale, renforcer l’aide aux pays du Sud et accélérer massivement la transition vers les énergies renouvelables. Les solutions existent : solaire, éolien, stockage, sobriété énergétique. Ce qui manque, conclut l’ONU, c’est le courage politique pour les appliquer.
Source :
Le Monde – « La lutte contre le réchauffement climatique reste trop modeste au moment où elle devrait s’amplifier, alerte l’ONU » – 4 novembre 2025 – lemonde.fr