Lors de leur sommet à Londres, Keir Starmer et Emmanuel Macron ont annoncé aujourd’hui un projet pilote inédit pour renvoyer rapidement des migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni. Les deux dirigeants ont également officialisé un rapprochement historique de leurs doctrines nucléaires et renforcé leur soutien à l’Ukraine.
Réunis ce mercredi à Downing Street puis ce jeudi à Northwood, Keir Starmer et Emmanuel Macron ont affiché un front commun sur la plupart des grands dossiers européens. La question migratoire a dominé leur conférence de presse conjointe, où le Premier ministre britannique a annoncé un projet pilote visant à renvoyer rapidement en France les migrants arrivés illégalement par la Manche à bord de petits bateaux. En échange, un nombre équivalent de personnes ayant un lien avec le Royaume-Uni serait accepté légalement chaque semaine. “Nous voulons mettre fin à ce commerce ignoble des passeurs, a martelé Starmer. Il n’y a pas de solution magique, mais avec cet accord, nous cassons leur modèle économique.”
Emmanuel Macron a confirmé cet engagement, tout en précisant qu’il restait soumis à la validation juridique de la Commission européenne. Selon le président français, cet accord dissuasif vise à tarir le flux de traversées illégales, en parallèle d’une intensification des contrôles aux frontières, d’une lutte accrue contre le travail illégal au Royaume-Uni et d’actions coordonnées auprès des pays d’origine et de transit. “Depuis le Brexit, il n’existe plus aucun accord migratoire entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, a rappelé Macron. Cette situation crée une incitation à la traversée, exactement l’inverse de ce qui avait été promis.”
La rencontre a également été marquée par l’annonce d’un rapprochement inédit entre les doctrines nucléaires française et britannique. Les deux pays, seuls dotés de l’arme nucléaire en Europe, ont décidé de créer un “groupe de supervision nucléaire” chargé d’animer une coopération renforcée en matière de dissuasion, d’opérations et de capacités. Emmanuel Macron a annoncé une modification de la doctrine nucléaire. “Nous n’imaginons pas de situation de menace extrême à l’Europe qui ne susciterait pas une réponse rapide de notre part, quelle qu’en soit la nature”, a affirmé le président en citant ce nouvel article tout en soulignant que Paris et Londres resteraient souverains sur l’emploi de leurs forces stratégiques.
Dans le domaine militaire, Londres et Paris vont multiplier par cinq la capacité de leur force conjointe, passant du niveau brigade à celui d’un corps d’armée de 50 000 hommes, prêt à intervenir pour l’OTAN ou en coalition européenne. Un renforcement jugé crucial face aux menaces russes. Macron a annoncé que le chef d’état-major français détaillera dès demain l’actualisation de la stratégie nationale, évoquant la nécessité d’un effort collectif face à “une Russie qui consacre 40 % de son budget à l’armement”.
La France et le Royaume-Uni accélèrent aussi leurs projets communs de missiles, travaillent sur de nouveaux missiles de défense et de frappe en profondeur, et renforcent leur collaboration dans l’intelligence artificielle, l’espace, le cyber et la lutte contre les manipulations de l’information, afin de faire face aux menaces hybrides et de crédibiliser l’autonomie stratégique européenne au sein de l’OTAN.
Emmanuel Macron a insisté sur la nécessité de renforcer la coopération franco-britannique contre les manipulations de l’information, domaine qui serait devenu stratégique à l’heure où États et groupes privés exploiteraient l’intelligence artificielle pour diffuser de fausses informations à grande échelle, selon le président.
Il a évoqué un renforcement des moyens dans la lutte contre la propagande numérique, le cyberespionnage et les ingérences informationnelles, soulignant que “nos deux pays font face à des menaces hybrides de plus en plus sophistiquées, qui visent à saper nos démocraties de l’intérieur”. Keir Starmer a, lui, rappelé que “les réponses faciles relèvent du populisme” et que seule une action concertée et rationnelle permettra de contrer ces attaques insidieuses.
Les deux dirigeants ont également réaffirmé leur soutien à l’Ukraine, officialisant la création d’une force multinationale dont le commandement sera basé à Paris. Cette coalition vise à préparer le maintien d’un éventuel cessez-le-feu en renforçant les capacités aériennes, navales et terrestres ukrainiennes. Starmer a salué “un moment exceptionnel pour l’Europe et l’OTAN”, soulignant l’importance de cette coopération nucléaire et militaire dans un contexte de tensions géopolitiques accrues.
Sur le plan économique, le sommet a permis d’acter l’investissement de 12,5 % d’EDF dans le projet nucléaire britannique Sizewell C ainsi qu’une coopération renforcée dans le spatial avec Telsat. Les deux dirigeants ont aussi insisté sur leur volonté commune de restaurer la confiance entre Londres et Bruxelles après le Brexit, notamment sur l’énergie, le climat et la mobilité des jeunes.
Enfin, au chapitre diplomatique, Macron et Starmer ont évoqué la situation au Proche-Orient. Tous deux ont plaidé pour un cessez-le-feu à Gaza et réaffirmé leur engagement en faveur d’une solution à deux États, incluant la reconnaissance de la Palestine lorsque les conditions politiques le permettront.
Par ce sommet, Londres et Paris affirment leur ambition commune : “Nous représentons deux pays fiers et indépendants, mais ensemble nous constituons une force de la bonté dans un monde dangereux”, a conclu Starmer, saluant la “diplomatie sérieuse et patiente” qui a permis ces avancées.
Source : conférence de presse commune Keir Starmer – Emmanuel Macron, Downing Street et Northwood, 10 juillet 2025.