Après la démission express de Sébastien Lecornu, Emmanuel Macron joue son va-tout. Le président a donné quarante-huit heures au Premier ministre démissionnaire pour trouver une issue à la crise politique, tout en laissant planer la menace d’une dissolution de l’Assemblée nationale en cas d’échec des négociations.
La scène, presque symbolique, a frappé les observateurs. Ce lundi 6 octobre, en fin de matinée, Emmanuel Macron a été aperçu arpentant seul les quais de Seine, téléphone à l’oreille, avant de s’arrêter brièvement sur le square de l’île de la Cité, là même où fut exécuté en 1314 Jacques de Molay, dernier grand maître de l’ordre du Temple. Une image de solitude présidentielle qui résonne étrangement avec l’atmosphère de fin de règne qui entoure désormais le chef de l’État.
Quelques heures plus tôt, Sébastien Lecornu, nommé Premier ministre il y a à peine vingt-sept jours, déposait sa démission à l’Élysée. Une décision inattendue, survenue quatorze heures seulement après la présentation d’un gouvernement « resserré ». Le coup est rude pour Emmanuel Macron, déjà fragilisé par la dissolution de l’Assemblée nationale en 2024, et confronté à une majorité introuvable.
Selon plusieurs sources proches de l’exécutif, le président a donné à Lecornu quarante-huit heures pour tenter une dernière fois de rallier une coalition autour d’un « accord de stabilité ». L’objectif : obtenir un compromis avec les groupes parlementaires des Républicains et du Parti socialiste (PS), afin d’éviter une impasse institutionnelle prolongée. « S’il échoue, le président prendra ses responsabilités », a fait savoir l’entourage du chef de l’État, une formule lourde de sous-entendus politiques.
En coulisses, l’Élysée brandit la menace d’une nouvelle dissolution, une arme ultime qui, selon plusieurs proches du pouvoir, vise à forcer LR et le PS à transiger.
La dissolution demandée par Marine Le Pen pourrait entraîner l’éclatement des Républicains, l’affaiblissement du bloc central et, in fine, l’émergence d’une majorité commune entre le RN et la droite au Palais-Bourbon.
Un tel scénario plongerait le pays dans une incertitude totale, risquant d’ajouter une crise financière à la crise politique déjà en cours.
« Ce ne serait pas une alternance, mais une catastrophe politique dont nous porterions tous la responsabilité», alerte Manuel Valls, ministre des outre-mer démissionnaire, avant de prévenir :
« Ce ne serait pas une cohabitation, ce serait un autre monde. »
Dernière hypothèse, celle d’une démission du président de la République, réclamée par La France insoumise, a été rapidement écartée par l’entourage d’Emmanuel Macron.
« Emmanuel Macron préférera jeter sous le train la totalité de la classe politique plutôt que de démissionner», ironise le député LIOT, Harold Huwart dans les colonnes du Monde, résumant la détermination inflexible du chef de l’État à rester en place malgré la tempête politique.
La situation actuelle résulte de mois de tensions politiques depuis la dissolution de 2024, censée « redonner du souffle démocratique » et qui a finalement plongé le pays dans une crise parlementaire durable.
Pour Emmanuel Macron, ces « ultimes négociations » confiées à Sébastien Lecornu représentent donc un dernier pari. En cas d’échec, il pourrait être contraint de renvoyer les Français aux urnes, une perspective qui inquiète jusque dans son propre camp.
Car au-delà des rapports de force parlementaires, l’image du président apparaît de plus en plus isolée et affaiblie, même auprès de ses soutiens historiques.
Le spectre d’une nouvelle dissolution plane donc sur la République, dans un climat d’usure politique et d’incertitude historique. Emmanuel Macron, conscient d’avoir épuisé la plupart de ses leviers, semble désormais miser sur un coup de poker pour reprendre la main — ou sceller, à son tour, son destin politique.
Sources :
Le Monde – « Après la démission de Sébastien Lecornu, Emmanuel Macron laisse planer la menace de dissolution pour forcer LR et le PS à transiger » – 6 octobre 2025 – lemonde.fr