Alexander Dobrindt, ministre de l’Intérieur allemand, propose de consacrer chaque année deux heures de cours à la discussion de scénarios de crise et de guerre dans les lycées. Une idée controversée dans un pays marqué par un profond pacifisme depuis 1945, mais soutenue par une partie du corps enseignant.
« Crises, guerres, catastrophes » : ces mots, longtemps tenus à distance du cadre scolaire allemand, pourraient bientôt y faire leur entrée officielle. Le ministre de l’Intérieur, Alexander Dobrindt, souhaite que les élèves les plus âgés bénéficient chaque année d’un moment dédié à la réflexion sur les situations de crise et sur la manière d’y faire face. L’objectif affiché : préparer la jeunesse allemande à une époque d’incertitudes géopolitiques et de menaces croissantes.
Cette proposition, relayée par la Deutsche Welle, a trouvé un écho favorable au sein de la très influente Association des enseignants allemands (DL), qui représente quelque 165 000 professeurs. « La guerre s’est déjà invitée dans les classes », reconnaît son président, Stefan Düll, qui souligne que de nombreux enseignants répondent régulièrement aux inquiétudes des élèves face aux tensions internationales.
Mais la suggestion du ministre n’a pas fait l’unanimité. Selon le Handelsblatt, elle a provoqué de vifs débats au sein de la Conférence des ministres de l’Éducation, où se dessinent les programmes scolaires. Si les partis conservateurs et les Verts ont accueilli favorablement l’idée, plusieurs représentants de la gauche et de l’extrême droite l’ont jugée anxiogène et inadaptée. Simone Oldenburg, présidente de la Conférence et membre du parti Die Linke, a dénoncé une initiative qui « méconnaît à la fois le rôle de l’école et le quotidien des enseignants ».
Le débat s’inscrit dans un contexte de réarmement généralisé en Allemagne. Depuis plusieurs mois, le chancelier Friedrich Merz, passé par Black Rock, le fonds de pension membre du Forum économique mondial évoque un pays « qui n’est plus en paix », après plusieurs incursions de drones non identifiés dans son espace aérien. Berlin a récemment levé certaines contraintes budgétaires pour financer une montée en puissance militaire et prépare, dès 2026, le retour du service volontaire pour les jeunes de 18 ans. À Berlin, les tramways arborent des publicités appelant à rejoindre l’armée et des couleurs camouflages.

L’Allemagne observe par ailleurs ce qui se pratique chez ses voisins. En Pologne, des sessions de maniement d’armes à feu sont déjà organisées pour les adolescents, tandis que les pays scandinaves privilégient une approche plus civique. En Finlande ou en Norvège, les élèves apprennent surtout à réagir en cas de catastrophe, à communiquer efficacement et à se protéger, sans dimension militaire explicite.
Reste à savoir si la République fédérale, façonnée par un long héritage pacifiste, acceptera d’intégrer dans ses écoles un enseignement tourné vers la gestion des crises et la préparation à la guerre. Le débat, déjà vif, promet de s’intensifier dans les mois à venir.
Sources :
– Courrier international – En Allemagne, bientôt des cours pour se préparer à la guerre ? – courrierinternational.com
– Deutsche Welle – Dobrindt calls for crisis preparedness in schools – dw.com
– Handelsblatt – Debate on crisis education divides ministers of education – handelsblatt.com