Dans « Circus Politicus », l’ancien directeur général de Reporters Sans Frontière et contributeur de l’agenda 2030 du FEM, Christophe Deloire, qui vient de nous quitter, évoquait la création de l’Europe comme projet politique soutenu et financé dès l’origine par l’Etat profond américain et en particulier l’American Committee on United Europe (ACUE). C’est l’occasion de revenir sur le rôle joué par cet organisme européen dans la construction européenne, mais également d’autres entités américaines comme le groupe Bilderberg, un groupe informel réunissant les puissants de ce monde à forte coloration anglo-saxonne, dont font actuellement partie le fondateur du Forum économique mondial, Klaus Schwab et le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres.
Le rôle de l’ACUE dans la création de l’Europe unifiée a longtemps été « un secret bien gardé », selon Deloire. Le Comité Américain pour une Europe Unie, fondé en 1948 et dissous en 1960, était un organisme américain privé soutenu notamment par la fondation Ford, qui est affiliée au Forum économique mondial. Ce comité créé en 1948 et suspendu en 1960 joua un rôle crucial dans le soutien de l’idéal d’unité européenne et servit de canal pour faire transiter des fonds américains vers l’Europe.
Les dirigeants de l’ACUE
Le conseil d’administration de l’ACUE comprenait des responsables de haut niveau du gouvernement américain, des membres de l’ECA, des politiciens célèbres, des financiers, des avocats, et des unionistes éminents.
Les figures majeurs étaient issues de la communauté du renseignement américain, notamment William J. Donovan, « le père de l’Intelligence Service américain », selon Deloire. Ancien directeur de l’Office of Strategic Services (OSS), il a été « une figure clé dans la fondation de la CIA », toujours d’après l’ancien secrétaire général de Reporters Sans Frontières. Le vice-président de l’ACUE, Allen Dulles, a dirigé le bureau de l’OSS à Berlin avant de prendre la direction de la CIA de 1953 à 1961.
Les cadres de l’ACUE travaillaient en étroite collaboration avec des responsables américains, notamment ceux de l’Administration de coopération économique (ECA) et du Comité national pour une Europe libre.
Les objectifs de l’ACUE
L’ACUE avait pour objectif concret de soutenir financièrement les organisations promouvant l’unité européenne et visait politiquement à contrer l’influence communiste. Dès 1950, l’ACUE fit une publicité notable aux États-Unis pour convaincre les élites américaines de soutenir le fédéralisme européen.
Dans son livre, Deloire faisait référence à une déclaration d’intentions signée par Donovan et Dulles retrouvée dans les archives de Stanford, université affiliée au Forum économique mondial, dans laquelle on pouvait lire : « L’American Committee on United Europe a ete fondé par un groupe de citoyens américains prives qui considèrent qu’un soutien organisé mais officieux du peuple des Éats-Unis envers l’idéal de l’unité européenne pourrait se révéler un facteur déterminant de la direction que prendra l’Europe dans la seconde moitié du XXe siecle ».
La déclaration énonce un triple projet politique, économique et social. Au niveau politique, elle évoque la création d’un parlement représentant les États démocratiques et les peuples de l’Europe libre, avec des pouvoirs effectifs de législation ; au niveau économique : l’abolition des quotas douaniers intra-européens et du contrôle des changes ; au niveau social, la garantie uniforme des droits de l’homme et création d’une Cour européenne pour les faire respecter.
Le financement des mouvements unionistes européens
La stratégie de l’ACUE consistait à financer des organisations européennes dont les objectifs étaient compatibles avec les siens. Les projets soutenus devaient montrer une progression rapide vers le fédéralisme européen. Dans la note citée par Deloire, on peut lire que le comité « accorde un soutien financier absolument necessaire à des structure travaillant pour l’unité de l’Europe ».
Le comité finança notamment le Mouvement européen, devenu depuis le Mouvement européen international, une organisation regroupant diverses associations fédéralistes ou unionistes européennes. Ce mouvement, présidé par des figures comme Paul-Henri Spaak et Robert Schuman, joua un rôle clé dans la promotion de l’unité européenne. Selon Deloire, « Les noms des présidents honoraires du Mouvement européen figurent d’ailleurs sur la page de garde du document ». « Ce sont ceux de quelques pères de l’Europe: Winston Churchill, Alcide De Gasperi, Robert Schuman, Paul-Henri Spaak. »
Paul-Henri Spaak, ancien chef du gouvernement belge et futur signataire du traité de Rome, a pris la présidence du Mouvement en 1950. Deloire précise : « Le 26 février 1951, l’ACUE a organisé à New York un dîner avec Spaak en invité d’honneur. » Un peu plus d’un an plus tard, le 1er avril 1952, un nouveau dîner en l’honneur de Spaak a eu lieu à l’Union Club de New York. Pour l’occasion, une nouvelle déclaration d’intention a été rédigée. Extrait du texte : « En soutien de la mission de M. Spaak, l’ACUE sollicite votre adhésion et votre soutien financier. » Il est précisé : « Nos membres se sont engagés à verser entre 100 et 2 500 dollars chaque année pour cette cause. Tous les dons sont déductibles de l’impôt sur le revenu. Quelle que soit votre contribution, elle permettra à nos amis en Europe de progresser en sachant qu’ils bénéficient du soutien de citoyens privés des États-Unis dans leur combat pour un but historique, les États-Unis d’Europe. »
Entre 1949 et 1960, l’ACUE injecta environ 3 millions de dollars dans le Mouvement européen, renforçant ainsi divers projets comme la Communauté de défense européenne, un parlement européen avec des pouvoirs souverains, et le plan Schuman pour l’intégration des industries lourdes européennes.
Une part importante des fonds versés au Mouvement européen permit de financer la European Youth Campaign, qui organisa environ 2000 événements (conférences, expositions, spectacles, émissions de radio) entre 1951 et 1956 pour promouvoir l’unité européenne auprès de la jeunesse.
En 1952, Jean Monnet qui présidait le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe a écri un courrier à Donovan dans lequel on pouvait lire : « Votre soutien continu, maintenant plus crucial que jamais, nous sera d’une grande aide pour la pleine réalisation de nos projets ».
Les soutiens de l’Etat profond américain à la construction européenne par le biais de différentes organisations dont le groupe Bilderberg
De manière plus générale, la European Youth Campaign et le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe ont été les deux principales organisations soutenues par diverses entités américaines, tant de manière ouverte que secrète, notamment le Comité américain pour une Europe unie, le groupe Bilderberg, la fondation Ford et la fondation Rockefeller, elle aussi membre du FEM. Le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe de Jean Monnet, ayant été financé à la fois par le Comité américain et la fondation Ford, illustre la difficulté de distinguer les financements secrets des financements officiels.
Les conférences du Bilderberg ont été instiguées dans le contexte de la guerre froide, marqué par la doctrine Truman et le plan Marshall, qui ont divisé l’Europe en deux sphères d’influence. C’est l’OECE (Organisation européenne de coopération économique), qui sera plus tard remplacée par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), qui a joué un rôle crucial dans la coordination économique des pays occidentaux en tant qu’organe opérationnel chargé de la distribution du plan Marshall. Le siège de l’OCDE, était d’ailleurs le Château de la Muette à Paris, ancienne résidence du baron Henri de Rothschild, dont la banque est affiliée au FEM, qui a été vendue à l’OECE par ses héritiers.
L’OTAN est également née de cette époque, avec pour objectif initial la défense collective des pays membres contre toute agression extérieure. Outre sa mission de défense, l’OTAN visait à renforcer les liens transatlantiques, à unifier l’Europe progressivement, et à contrer la menace communiste pour promouvoir un ordre mondial stable et libéral. Les liens entre l’OTAN et le groupe Bilderberg, s’incarnent en Jens Stoltenberg, actuel secrétaire général de l’OTAN et membre du groupe Bilderberg, comme son père l’avait été.
Selon la base de donnée établie par l’universitaire Allemand, Aleksander M . Zielinski, référençant les participants aux réunions du groupe Bilderberg, depuis leur création, Jean Monnet, ce serait d’ailleurs rendu aux sessions de 1957 et 1959. Parmi les pères fondateurs de l’Europe, on peut également citer le Belge, Paul-Henry Spaak, qui s’y est rendu en 1958, 59, 60, 63. Le Néerlandais Johan Willem Beyen s’y est rendu en 1960 et 1957.
On peut également citer des personnalités politiques Françaises comme Maurice Faure, qui a cosigné le traité de Rome en 1957 et qui s’est rendu aux réunions du groupe Bilderberg de 1954, 55 et 63. C’est également le cas de Guy Mollet, farouche atlantiste, qui se prononça en faveur de l’adhésion de la France à la Communauté européenne de défense (CED), projet abandonné en 54, avant de siéger à l’Assemblée commune de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) et de présider l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Il s’est rendu aux réunions du groupe Bilderberg en 1954, 55, 58 et 63.
En 1960, le Comité Américain pour une Europe Unie vota sa propre dissolution, estimant que le processus d’intégration européenne était lancé et allait dans la bonne direction. Toutefois, à la demande de figures comme Robert Schuman et Jean Monnet, le comité fut désactivé plutôt que dissous, permettant un potentiel soutien futur si nécessaire.
Christophe Deloire a écrit « Circus Politicus »en 2012, année durant laquelle il a pris la tête de Reporters Sans Frontières, l’ONG fondée par Robert Menard, qui est également financée par l’Etat profond américain. Elle a reçu des financements de la part de l’Open Society, la fondation affiliée au Forum économique mondial, du milliardaire et contributeur du FEM, George Soros, le Center for a Free Cuba, une organisation américaine chargée de rassembler et disséminer des informations à propos de Cuba et des Cubains dans les médias, les ONG, et la communauté internationale, ou le National Endowment for Democracy une fondation créée sous le gouvernement Ronald Reagan lors de l’opération « White propaganda », qui avait pour objectif le « renforcement et le progrès des institutions démocratiques à travers le monde ». On peut également citer la Fondation Ford, qui soutenait le Comité Américain pour une Europe Unie.