Alors que le risque climatique était une priorité, le géant de la finance américaine BlackRock, membre du Forum économique mondial, change de cap, craignant pour la rentabilité de ses clients. Cette décision soulève des questions sur la sincérité de l’engagement du capitalisme financier envers la cause écologique. Larry Fink, le PDG de BlackRock, qui est aussi un contributeur à l’Agenda 2030 du FEM, avait promis une transformation écologique du secteur financier dans sa lettre annuelle aux PDG des multinationales, déclarant que « le risque climatique est un risque d’investissement« , et que “le changement climatique constitue désormais un facteur déterminant dans les perspectives de long terme des entreprises”.
BlackRock, gestionnaire de près de 10 000 milliards de dollars d’actifs, avait ainsi acquis une réputation de leader dans la lutte pour le climat, participant à de nombreux colloques internationaux.
Cependant, BlackRock a récemment annoncé qu’il ne soutiendrait pas la majorité des résolutions sur le climat lors des prochaines assemblées générales des grands groupes. La société considère ces propositions comme « trop extrêmes ou trop prescriptives » et incompatibles avec les intérêts financiers à long terme de ses clients. Une écologie punitive et à géométrie variable, qui est pourtant une thématique de société promue massivement par le Forum Économique Mondial.
BlackRock justifie son recul par la Guerre en Ukraine et le blocus sur l’économie Russe, qui incite de nombreux pays à trouver de nouvelles sources d’énergie, souvent au détriment des objectifs climatiques. Larry Fink prévoit une augmentation de l’offre de pétrole et de gaz aux États-Unis et une consommation accrue de charbon en Europe et en Asie. Les Nouvelles Règles de la SEC (Securities and Exchange Commission), ont donné plus de liberté d’expression aux petits actionnaires sur les sujets sociaux et environnementaux, augmentant le nombre de propositions en assemblée générale. BlackRock déplore cette évolution, estimant que ces propositions sont trop contraignantes pour le management.
BlackRock a déjà commencé à appliquer cette nouvelle politique, votant contre des propositions visant à aligner les stratégies des grandes banques sur les objectifs climatiques. Par exemple, la société a rejeté une stratégie de la Banque de Montréal et une proposition de la Commonwealth Bank of Australia, membres du FEM, visant à arrêter le financement des combustibles fossiles.
Bien que Larry Fink ait proclamé en 2020 une transformation fondamentale du secteur financier, les actions récentes de BlackRock montrent que cette transformation est encore loin d’être réalisée. Le PDG de BlackRock avait pourtant déclaré : « nous nous concentrons sur le développement durable non pas parce que nous sommes des écologistes, mais parce que nous sommes des capitalistes ».
BlackRock et l’écologie, un joli oxymore
Au-delà d’être investisseur dans de nombreuses industries pétrolières détenant plus de 87 milliards de dollars d’actions dans des entreprises d’énergies fossiles, mais aussi agro-alimentaires qui ne respectent pas toujours les normes écologiques, BlackRock ne s’engage pas toujours en faveur d’une planète plus verte. L’ONG Majority Action a révélé que BlackRock a voté contre dix des douze résolutions proposées par la coalition d’investisseurs Climate Action 100+, dont l’objectif est de rendre les entreprises plus durables. Cette coalition, que BlackRock avait rejoint en début d’année pour montrer sa bonne volonté, semble maintenant témoigner de l’engagement climatique fragile de l’entreprise. Selon le cabinet Proxy Insight, BlackRock a fait pire en 2020 qu’en 2019 en matière de soutien aux résolutions environnementales. En 2019, BlackRock n’avait soutenu que 20 % des résolutions d’actionnaires visant à protéger l’environnement. Ce chiffre a chuté à 13 % en 2020, soulignant un net recul dans l’engagement de la société envers les initiatives climatiques. En France, BlackRock a voté contre une résolution d’actionnaires à l’Assemblée générale de TotalEnergies, le géant pétrolier Français membre du FEM, où il détient 6,3 % des actions. Cette résolution visait à aligner les activités de Total avec l’accord de Paris, une initiative cruciale pour lutter contre le changement climatique. Ce vote contre une mesure clé pour la transition écologique montre un décalage entre les déclarations publiques de BlackRock et ses actions concrètes. Une étude publiée par le Guardian en octobre 2019 a révélé que BlackRock détient 87 milliards de dollars d’investissements dans les énergies fossiles. Cet engagement financier massif dans des industries polluantes contredit les déclarations de Larry Fink sur l’importance de la lutte contre le changement climatique. À ce rythme, il est peu probable que BlackRock joue un rôle significatif dans la transition vers une économie plus verte.
Du verdissage forcé
Le politique de Greenwashing, soit de verdissage en langue française, est motivée principalement par l’argent principalement. En arrangeant son image de marque, une entreprise qui fait du verdissage améliore sa réputation, et peut alors s’attirer les bons points des contrats économico-sociaux que peuvent avoir les sociétés avec le Forum Économique Mondial, qui peut accorder des subventions grâce à un indice ESG satisfaisant. Pour maintenir son score ESG, des critères d’inclusion, de lutte contre les discriminations, mais aussi d’engagement pour la planète peuvent permettre aux entreprises de valider certains points nécessaires à ce baromètre. BlackRock, principal allié du Forum Économique Mondial, a donc dû montrer la voie aux entreprises rattachées au FEM pour en être vraiment compatible, tout en contribuant à l’Agenda 2030 des Nations unies et de Davos, qui stipule que l’écologie doit être au centre des prises de décisions politiques et économiques.
L’UE demande conseil à BlackRock
La nomination de BlackRock par la Commission européenne pour réguler le secteur bancaire suscite des inquiétudes. Le 8 avril, la Commission de la contributrice de l’agenda 2030 du FEM, Ursula Von Der Leyen, a choisi le plus grand gestionnaire d’actifs au monde, détenant des parts dans la majorité des banques mondiales, pour rédiger un rapport sur les bonnes pratiques en matière de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Ce rapport servira de base pour élaborer de nouvelles régulations pour des entreprises souvent critiquées pour leur soutien aux activités polluantes, notamment l’exploitation des énergies fossiles. Cette décision est controversée, car BlackRock possède des parts importantes dans de nombreuses banques mondiales, ce qui pourrait représenter un conflit d’intérêts évident. Pourtant, dans un courrier du 5 juin rendu public le 11, la Commission européenne a assuré avoir vérifié qu’il n’existait aucun conflit d’intérêt. Cette assurance n’a pas suffi à dissiper les doutes de nombreux observateurs et ONG. La Commission européenne a attribué un contrat de 550 000 euros à BlackRock. L’argent public de l’Europe et son utilisation restent donc assez discutables.
Par Romain Pastorino