Après la mort d’Alexeï Navalny annoncé par les autorités pénitentiaires alors que les Républicains bloquent une aide à l’Ukraine aux Etats-unis, l‘AFP déplore que la veuve de l’opposant, Ioulia Navalnaïa, soit devenue la nouvelle cible de campagnes de désinformation orchestrées par des réseaux pro-russes, citant une photo où elle apparait avec le controversé milliardaire russe, Evgueni Tchittchvarkine.
Selon l’AFP, dirigée par Fabrice Fries, qui a occupé des poste chez Vivendi, Havas et Publicis, le groupe publicitaire affilié au Forum économique mondial, la volonté affichée de Ioulia Navalnaïa de reprendre le flambeau après la mort de son mari, a immédiatement déclenché une vague de fake news, notamment sur les réseaux sociaux, où une photo d’elle prise en 2021 aurait été malicieusement utilisée pour la discréditer. Selon l’Agence-France-Presse, « Les commentaires affirment ou sous-entendent notamment que le cliché datait de ces derniers jours, l’accusant ainsi de simuler sa tristesse dans ses diverses apparitions publiques depuis ». Mais d’après l’AFP, cette photo « n’est absolument pas récente ». L’agence de presse est remontée au compte Instagram d’Evgueni Tchitchvarkine, un milliardaire russe de 49 ans, qui avait publié cette photo en août 2021. L’AFP précise que cette photo avait déjà été largement été commentée et que Tchitchvarkine avait répondu que « Les gens sont jaloux : eux aussi voudraient se promener au bord de la mer avec Ioulia Navalnaïa, une femme belle et forte, potentiellement une Première Dame ». « Malheureusement, Alexeï a été emprisonné, mais elle, personne ne l’a emprisonnée. »
Tchitchvarkine, un golden boy russe d’origine Tatar
Fils d’une Tatar, un peuple turque d’Europe orientale qui était la principale population en Crimée avant les déportations effectuées par les russes, Tchitchvarkine est un entrepreneur russe qui a cofondé le plus grand détaillant russe de téléphones portables, Evroset, qui était présent en Russie, en Ukraine, en Biélorussie, en Moldavie, en Estonie, en Lettonie, en Lituanie, au Kazakhstan, au Kirghizistan, en Arménie et en Azerbaïdjan. C’est le russe de moins de 35 ans le plus riche de son pays, avec une fortune d’environ 1,6 milliard de dollars. Il a notamment été distingué lors concours Ernst & Young « Entrepreneur de l’année 2005 » dans la nomination « Commerce », par le cabinet de conseil affilié au Forum économique mondial. En novembre 2008, Chichvarkin a rejoint Right Cause, un parti politique libéral-démocrate russe fondé à la suite de la fusion de l’Union des forces de droite, du pouvoir civil et du Parti démocratique de Russie. Il devait d’ailleurs devenir président de sa section à Moscou.
Les nombreuses démêlés de Chichvarkin
Mais Chichvarkin a été confronté à plusieurs accusations et enquêtes judiciaires au fil des ans, touchant à son activité commerciale dans le secteur de la téléphonie mobile. En 2005, il a été accusé d’être impliqué dans l’importation illégale de téléphones portables d’une valeur de 100 millions de dollars, bien que ces accusations aient été par la suite abandonnées. L’année suivante, un lot de téléphones Motorola destiné à Evroset a été saisi pour non-conformité aux normes sanitaires russes, ce qui a mené Chichvarkin à accuser les autorités russes de cibler injustement son entreprise.
En 2007, l’affaire de Dmitry Sidorov, fondateur d’Iled M, une société de téléphonie accusée d’évasion fiscale, a également impliqué Chichvarkin en raison des relations commerciales entre Iled M et Evroset. Cette période a vu de nombreuses perquisitions chez les employés d‘Evroset, perçues par certains comme liées à l’affaire Iled M, tandis que d’autres y voyaient une continuation des problèmes avec Motorola, voire une stratégie marketing d’Evroset ou une revanche contre Chichvarkin par les autorités.
En 2008, le siège d’Evroset a fait l’objet d’une perquisition liée à Andrey Vlaskin, un employé ayant volé des téléphones d’une valeur de 20 millions de roubles en 2003. Malgré une réconciliation apparente entre Vlaskin et Evroset, l’entreprise a été accusée en 2008 d’enlèvement, d’emprisonnement illégal et d’extorsion en lien avec cette affaire.
Le rachat d’Evroset par Alexander Mamut
En 2008, il a vendu Evroset pour un montant de 400 millions de dollars américains au milliardaire russe, Alexander Mamut, via le fonds A&NN Investment. Ancien soutien de Boris Elstine, conseiller de l’ancien chef de l’administration présidentielle russe, président du conseil d’administration de l’Institut Strelka pour les médias, l’architecture et le design, et fondateur du cabinet ALM-Consulting, qui emploie le contributeur du FEM, Igor Shuvalov. Mamut a également été membre du conseil d’administration de Troika Dialog Investment company, de 2002 à 2005, une banque d’investissements privée russe fondée par Ruben Vardanyan, au moment ou le contributeur du FEM, Andrey Morvan en était le directeur exécutif. Par la suite la banque a été secouée par le scandale du « lavomatic Troika », un système de blanchiment d’argent, qui a permis de sortir de Russie via des paradis fiscaux et un établissement lituanien, au moins 4,6 milliards de dollars et qui aurait bénéficié au Prince Charles en personne, selon The Guardian, mais également à Serguei Roldugin, un ami de Vladimir Poutine. Mamut ensuite revendu Euroset aux opérateurs de réseaux mobiles OJSC VimpelCom, dirigé par le contributeur du FEM, Alexander V. Izosimov, et MegaFon, détenu par USM inversement du contributeur du FEM, Alisher B. Usmanov.
La fuite de Chichvarkin à Londres
En janvier 2009, Evgueni Chichvarkin, s’est réfugié au Royaume-Uni face aux accusations portées contre lui en Russie. Peu après son départ, il a été officiellement recherché par les autorités russes en lien avec l’affaire Vlaskin. Malgré une demande d’arrestation par contumace et la transmission de ses informations à Interpol, l’affaire a pris une tournure inattendue lorsque des irrégularités concernant un enquêteur clé ont été mises en lumière, révélant un conflit d’intérêts.
En novembre 2010, un jury a acquitté tous les accusés dans l’affaire Vlaskin, et en janvier 2011, les charges contre Chichvarkin ont été abandonnées, mettant fin à sa recherche internationale. Malgré cela, Chichvarkin restait prudent, conscient des risques potentiels de nouvelles accusations liées à son affaire de contrebande datant de 2005.
Chichvarkin a ouvert en 2012 le magasin de vin multiprimé Hedonism Wines sur Davies Street et s’est permis de faire campagne contre la corruption en Russie et en particulier contre Vladimir Poutine en 2019, alertant des risques de conflits multiples si le monde occidental ne prenait pas de mesures.