La Chine a lancé, le 1er octobre, le visa K, un titre de séjour destiné aux experts étrangers en sciences et technologies. Une initiative stratégique dans la guerre mondiale des talents, survenue deux semaines après que Washington a multiplié par dix les frais de son visa H-1B. Pékin veut séduire les chercheurs et ingénieurs étrangers, mais suscite déjà des tensions à l’intérieur du pays.
Dans la course mondiale à l’innovation, Pékin vient de frapper fort. Depuis le 1er octobre 2025, la Chine propose un nouveau visa “K”, réservé aux professionnels étrangers issus des secteurs de la science, de la technologie, de la recherche et de l’entrepreneuriat.
Présenté par les autorités comme un outil d’ouverture et de compétitivité, ce visa vise à attirer des profils hautement qualifiés alors que les États-Unis, jusqu’ici champions du recrutement international, viennent de durcir leurs conditions d’accueil.
Selon The Financial Express, le visa K est « l’équivalent chinois du H-1B américain », mais avec une différence majeure : il ne requiert pas de parrainage par un employeur local. Les bénéficiaires peuvent effectuer plusieurs entrées sur le territoire, y séjourner sur des périodes prolongées et bénéficier d’une validité plus longue que les visas de travail classiques.
Pékin défie Washington dans la guerre mondiale des talents
Le timing n’est pas anodin. Deux semaines plus tôt, le président américain Donald Trump annonçait une hausse spectaculaire des frais du visa H-1B, désormais fixés à 100 000 dollars, décourageant de nombreux candidats étrangers. Pour les observateurs, Pékin profite de cette décision pour se positionner en alternative attractive pour les chercheurs et ingénieurs internationaux.
« Le visa K donne à la Chine un avantage inattendu dans la compétition mondiale pour les cerveaux », analyse Michael Feller, du cabinet Geopolitical Strategy, cité par Al-Jazeera. « Même si Pékin n’a pas anticipé la décision de Washington, cette coïncidence offre à la Chine un élan diplomatique et économique considérable. »
Selon CNN, depuis l’année dernière, au moins 85 scientifiques étrangers, dont plusieurs issus de Princeton, de la NASA ou des Instituts nationaux de la santé américains, ont rejoint des centres de recherche chinois. Les secteurs clés visés : l’intelligence artificielle, les semi-conducteurs, la robotique et la biotechnologie.
Colère et inquiétudes en Chine
Mais si le visa K séduit à l’étranger, il provoque une fronde nationale. Sur le réseau social Weibo, de nombreux internautes dénoncent une politique « injuste » dans un contexte où le chômage des jeunes avoisine les 19 %.
« Nous avons déjà trop de diplômés sans emploi, pourquoi faire venir des étrangers ? », dénonce un utilisateur.
Un autre ironise : « En Chine, il faut un passeport étranger pour être reconnu comme talent. »
Face à ces critiques, les médias d’État ont tenté d’éteindre l’incendie. Le Global Times, organe proche du Parti communiste, a défendu le programme comme « une opportunité de montrer une Chine ouverte et confiante », insistant sur la nécessité d’« attirer les talents mondiaux pour stimuler l’innovation nationale ».
Un dispositif encore flou mais ambitieux
Les détails administratifs du visa K restent partiels. D’après la chaîne australienne ABC, les autorités n’ont pas encore précisé la durée de validité ni le montant des frais. Les critères d’éligibilité ciblent toutefois des candidats diplômés d’universités renommées en Chine ou à l’étranger, titulaires d’un diplôme supérieur en sciences ou en technologie, ou exerçant une activité d’enseignement ou de recherche dans ces institutions.
Pour Bob Chen, économiste chez FG Venture à Shanghai, l’impact sur le marché du travail local restera limité : « Le visa K cible avant tout les élites technologiques. Il ne s’agit pas d’ouvrir les portes à tous, mais de combler un déficit stratégique dans des secteurs critiques comme les semi-conducteurs ou l’IA. »
Un pari sur l’attractivité… sous contraintes
La Chine espère ainsi redorer son image d’écosystème scientifique global, à l’heure où les États-Unis voient leur réputation ébranlée par la fermeture migratoire. Mais certains experts doutent de la capacité du pays à retenir durablement ces talents.
« La créativité ne s’épanouit pas dans un climat de surveillance et de censure », rappelle Stefanie Kam, de l’Université technologique de Nanyang (Singapour). Elle souligne les contraintes du modèle de travail “996” – de 9 h à 21 h, six jours sur sept – encore courant dans les entreprises technologiques chinoises.
Malgré ces réserves, Pékin mise sur le visa K pour envoyer un message clair : la Chine ne veut plus seulement produire, elle veut innover.
Sources :
BBC – China launches “K visa” to attract global tech talent – 02/10/2025 – lien
The Financial Express – What is China’s K visa? The new rival to the US H-1B – 30/09/2025 – lien
CNN – China’s new visa aims to lure US scientists amid global talent war – 03/10/2025 – lien
Al-Jazeera – Beijing’s K visa gains momentum after Trump’s visa fee hike – 03/10/2025 – lien
Global Times – Visa K shows China’s confidence and openness in new era – 01/10/2025 – lien