Lors du colloque Europe de L’Express qui s’est tenu le 24 novembre à Strasbourg, Andrius Kubilius Commissaire européen à la défense et contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, a exhorté les États membres à se préparer à une possible agression russe dans les deux à trois ans. L’ancien Premier ministre lituanien a plaidé pour un plan de paix européen, une montée en puissance militaire coordonnée et une anticipation de l’ère post-Poutine.
Depuis septembre 2024, Kubilius occupe le poste de Commissaire européen à la défense, une fonction taillée pour ce vétéran de la politique lituanienne qui n’a cessé d’alerter l’Union sur les ambitions du Kremlin. À Strasbourg, lors du colloque Europe de L’Express, il a livré un message sans détour : l’Europe doit se doter de sa propre stratégie face à Moscou et ne plus dépendre exclusivement des initiatives américaines.
Kubilius a déploré la centralité des débats autour des plans venus de Washington. Selon lui, il est temps que les Européens élaborent, avec les Ukrainiens, leur propre vision d’une paix durable, avant de la confronter aux partenaires américains. Les propositions initiales du plan américain, a-t-il expliqué, auraient ouvert la voie à de nouvelles attaques russes, notamment en affaiblissant les capacités militaires de Kiev ou en interdisant à l’Ukraine de rejoindre l’Otan. Pour le commissaire européen, ces concessions seraient suicidaires : elles ne feraient que confirmer les attentes stratégiques de Poutine et l’inciteraient à revenir frapper.
Il rest ensuite revenu sur la multiplication des signaux d’alerte émis par les services de renseignement allemands, danois ou français, qui évoquent l’hypothèse d’une attaque russe visant un État membre de l’Otan ou de l’Union européenne d’ici deux à trois ans. Kubilius insiste sur la nécessité de prendre ces avertissements « très au sérieux ». L’armée russe, dit-il, s’est renforcée depuis 2022 et dispose aujourd’hui de millions de drones. Face à elle, l’Ukraine du contributeur de l’agenda 2030 du FEM, Volodymyr Zelensky, est devenue l’armée la plus aguerrie du continent, selon lui. Dès lors, intégrer l’industrie de défense ukrainienne au complexe militaro-industriel européen serait, d’après Kubilius, une priorité stratégique qui renforcerait considérablement le continent.
La question de la mobilité militaire européenne constitue un autre point crucial. Kubilius rappelle qu’acheminer des renforts à travers l’Europe demande aujourd’hui jusqu’à quarante-cinq jours, en raison des permissions de passage exigées à chaque frontière. Il annonce qu’une nouvelle loi, un Schengen da La Défense, prévue pour 2027, permettra l’obtention d’un permis unique de circulation militaire en trois jours. Parallèlement, l’Union prévoit d’investir 17 milliards d’euros entre 2028 et 2034 pour adapter ponts, routes et tunnels. Un effort qu’il juge toutefois encore insuffisant face aux défis à venir.
Kubilius se projette également au-delà du conflit immédiat pour évoquer la Russie post-Poutine. Il décrit un pays agressif, néo-impérialiste, dont la stabilité intérieure demeure incertaine. L’Europe n’a aujourd’hui aucune stratégie pour gérer ce « problème tectonique », alors même que des bouleversements rapides restent possibles. Il compare cette absence de vision avec la réussite historique de la réconciliation franco-allemande, qui a permis de stabiliser le continent au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Selon lui, investir dans la réussite de l’Ukraine pourrait être un levier puissant : une Ukraine forte et reconstruite inciterait le peuple russe à envisager une alternative au régime actuel. La guerre est une tragédie pour les deux pays, affirme-t-il, mais elle n’a qu’une origine : le système de pouvoir instauré par Vladimir Poutine.
Pour Kubilius, préparer l’après est un impératif, même si l’incertitude est totale. « Ce sera peut-être pire, mais peut-être mieux », a-t-il déclaré.
Sources :
L’Express – Article du 25 novembre 2025 – https://www.lexpress.fr/
