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Tchéquie : la « propagande communiste » désormais passible de prison, au même titre que l’idéologie nazie

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Le président tchèque Petr Pavel a promulgué une loi controversée criminalisant la promotion des idéologies communistes. Assimilée à la propagande nazie, cette mesure soulève une vive polémique à gauche, alors que le Parti communiste de Bohême et de Moravie dénonce une tentative d’interdiction politique déguisée.

La République tchèque vient de franchir un cap législatif hautement symbolique, aux résonances historiques profondes. Le président Petr Pavel, ancien général de l’OTAN et fervent défenseur de la démocratie libérale, a signé le 18 juillet un amendement au code pénal plaçant la propagande communiste sur le même plan que celle du nazisme. Désormais, toute personne « créant, soutenant ou promouvant des mouvements nazis, communistes ou autres appelant à la suppression manifeste des droits fondamentaux ou incitant à la haine raciale, ethnique, religieuse ou de classe » encourt jusqu’à cinq ans de prison.

Cette réforme intervient après des années de débat sur le legs du régime communiste tchécoslovaque. Soutenue notamment par l’Institut pour l’étude des régimes totalitaires, elle vise à « corriger un déséquilibre juridique » en criminalisant explicitement une idéologie qui a marqué la vie du pays pendant plus de quatre décennies. De 1948 à 1989, la Tchécoslovaquie, satellite de Moscou, a été dirigée sans partage par le Parti communiste — jusqu’à la révolution de velours, qui mit fin à 41 ans de régime autoritaire.

Mais cette décision ne fait pas l’unanimité. Le Parti communiste de Bohême et de Moravie (KSČM), successeur du KSČ et actuellement hors du parlement, y voit une offensive politique ciblée. Dans un communiqué publié peu après la signature présidentielle, la formation emmenée par l’eurodéputée Kateřina Konečná dénonce une « tentative ratée d’interdire le KSČM et d’intimider les critiques du régime actuel ».

L’inquiétude porte aussi sur la manière dont cette nouvelle loi pourrait être appliquée. Le texte ne précise pas si les partis politiques existants pourraient être directement visés. Officiellement, le KSČM ne détient plus de siège à la Chambre des députés depuis son échec aux législatives de 2021, une première depuis un siècle. Toutefois, l’alliance de gauche « Stačilo » (« Assez »), à laquelle il appartient, est récemment créditée de 5 % dans les sondages — seuil requis pour un retour à la Chambre basse lors des élections d’octobre prochain.

Ce glissement législatif intervient dans un contexte européen où plusieurs pays d’Europe centrale et orientale cherchent à redéfinir leur rapport au passé communiste. En Pologne, en Hongrie ou dans les États baltes, la criminalisation partielle de la symbolique ou des discours liés au communisme est déjà une réalité. Mais en République tchèque, la démarche de Petr Pavel prend un relief particulier. Lui-même ancien militaire formé à l’époque communiste, il incarne aujourd’hui une volonté affirmée de tourner définitivement la page d’un passé jugé incompatible avec les valeurs démocratiques actuelles.

Pour autant, cette assimilation explicite entre communisme et nazisme demeure controversée dans les cercles juridiques et historiques. De nombreux intellectuels mettent en garde contre un amalgame dangereux qui pourrait nuire à la liberté d’expression politique, même dans ses formes marginales.

L’automne électoral à venir dira si cette loi constitue un point de bascule symbolique ou un levier politique décisif dans une société tchèque encore marquée par ses fractures idéologiques.

Sources :
Article original publié le 18 juillet 2025 par Gavin Blackburn, AP, avec mises à jour par Euronews.

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