Alors qu’Élisabeth Borne évoque la possibilité de suspendre la réforme des retraites pour sortir de la crise politique, Édouard Philippe s’y oppose fermement. Le président d’Horizons estime qu’un tel recul mettrait en péril la crédibilité économique du pays et le “sens même” de la réforme.
Le débat autour des retraites continue de fracturer l’exécutif et ses alliés. Après la déclaration surprise d’Élisabeth Borne, mardi 7 octobre, se disant prête à “suspendre” la réforme de 2023 “si c’est la condition de la stabilité du pays”, les réactions ne se sont pas fait attendre. Parmi les plus tranchées : celle d’Édouard Philippe.
“C’est non”, tranche sans détour le président d’Horizons, interrogé par Le Figaro. L’ancien Premier ministre refuse toute remise en cause du texte, adopté au forceps via l’article 49.3 il y a deux ans. “On ne peut pas faire un compromis avec la vérité et le sens de cette réforme : il faut travailler plus”, fait savoir son entourage. Pour lui, geler la loi reviendrait à nier la nécessité économique de la réforme et à envoyer un “mauvais signal” aux marchés comme aux partenaires européens.
Un refus d’autant plus symbolique que la réforme divise le camp Macron
La proposition d’Élisabeth Borne, qui visait à tendre la main à la gauche et aux socialistes pour éviter une dissolution, a mis à nu les fractures internes du camp présidentiel. À l’instar du chef des Républicains, Bruno Retailleau, ou du ministre démissionnaire de l’Économie, Roland Lescure, Édouard Philippe fait partie du front des opposants à toute suspension.
Dans une déclaration à France Inter, Roland Lescure a d’ailleurs mis en garde contre “une décision coûteuse et irréfléchie”. Selon lui, modifier la réforme actuelle coûterait “des centaines de millions d’euros en 2026 et des milliards en 2027”.
Une ligne économique assumée : “travailler plus pour sauver le système”
Depuis plusieurs années, Édouard Philippe martèle sa conviction : la pérennité du système de retraites passe par un allongement de la durée du travail. “Il faut inciter les actifs à travailler plus longtemps, pourquoi pas jusqu’à 67 ans”, rappelait récemment le maire du Havre. Son projet, plus ambitieux encore que celui de 2023, prévoit également de réduire à trois le nombre de régimes (privé, public, indépendant) et d’introduire une part de capitalisation à hauteur de 15 %.
S’il est élu président en 2027, il promet une réforme “structurelle et durable” du système, persuadé que celle de 2023 — qu’il avait soutenue “parce qu’elle était mieux que rien” — reste insuffisante.
Une divergence politique révélatrice
La position d’Édouard Philippe illustre l’équilibre fragile du bloc central, entre une aile sociale-démocrate incarnée par Borne et une aile libérale et réformatrice qu’il dirige. En rejetant l’idée d’une suspension, il renforce son image d’homme de rigueur, tout en se plaçant en héritier assumé du macronisme réformateur.
Mais cette fermeté pourrait accentuer la tension au sein d’un gouvernement déjà fragilisé par la démission de Sébastien Lecornu et la crainte d’une dissolution. À gauche, le Parti socialiste et Place publique estiment au contraire qu’un “geste d’apaisement” sur les retraites serait le seul moyen d’éviter un blocage politique durable.
Sources :
Le Figaro – Loris Boichot – “« C’est non » : Édouard Philippe opposé à une suspension de la réforme des retraites” – 8 octobre 2025 – lefigaro.fr
France Inter – Interview de Roland Lescure – 8 octobre 2025 – franceinter.fr