“La République, c’est moi ! » Cette phrase lancée par Jean-Luc Mélenchon lors de la perquisition du siège de La France Insoumise en 2018 est restée célèbre, au point d’en devenir un meme internet. Mais si la République est une valeur fondamentale pour le leader insoumis, elle l’est aussi pour la franc-maçonnerie, qui sont deux entités étroitement liées. Comme l’affirmait François Hollande : « Si on croit dans la République, à un moment, il faut passer par la franc-maçonnerie« . Ce lien entre engagement républicain et franc-maçonnerie pose une question : quels rapports ou références existent entre LFI et les loges maçonniques ?
Jean-Luc Mélenchon a bien eu un lien direct avec la franc-maçonnerie. Il a été initié en 1983 au Grand Orient de France (GODF), au sein de la loge Roger Leray. Séduit par les idéaux républicains et laïques portés par l’institution, Jean-Luc Mélenchon est également non-croyant, un aspect très répandu chez les initiés de cette loge, et admet aussi avoir été hostile et moqueur par le passé de l’Église.
Néanmoins, Jean-Luc Mélenchon semble s’en être éloigné au fil des années, critiquant parfois le manque d’engagement du GODF sur certaines questions sociales. En 2020, il finit par quitter sa loge, après une série de polémiques, dont notamment les perquisitions au siège de La France Insoumise et son célèbre éclat de voix « La République, c’est moi !« , le conseil de l’Ordre du GODF aurait demandé sa suspension temporaire. Cette décision aurait été motivée par une volonté de préserver l’image de l’institution face aux controverses médiatiques entourant Mélenchon.
Le symbole « Phi » de La France Insoumise
LFI a choisi la lettre grecque « Phi » comme symbole officiel. Ce choix découle des initiales du mouvement, « FI », mais il évoque aussi des notions de philosophie, de sagesse et d’harmonie. Adopté le 16 octobre 2016, il a été présenté par Jean-Luc Mélenchon comme un emblème d’espérance, de renouveau républicain, mais aussi d’hommage à la Grèce Antique, créatrice des notions de démocratie.
Cependant, le « Phi » est aussi lié au nombre d’or (1,618), une proportion mathématique présente dans la nature, l’architecture et l’art. Ce concept est particulièrement prisé en franc-maçonnerie, où il symbolise l’équilibre et la quête de perfection. Certains y voient un clin d’œil à cette influence, même si LFI ne revendique aucune affiliation maçonnique.
À noter que Jean-Luc Mélenchon déclare ne pas être à l’origine de ce choix dans la vidéo explicative du symbole “Phi”, disponible sur la chaîne Youtube de LFI.
La franc-maçonnerie et l’engagement politique
Historiquement, la franc-maçonnerie a souvent joué un rôle dans les mouvements progressistes et républicains. Elle a compté parmi ses membres de nombreuses figures de la gauche et son influence reste perceptible dans certaines sphères politiques. Toutefois, au sein de LFI, les liens avec la franc-maçonnerie ne semblent pas institutionnalisés. Si quelques membres peuvent avoir des affiliations personnelles, le mouvement ne se revendique pas comme une organisation liée aux loges.
L’utilisation du « Phi » par LFI et le passé maçonnique de Jean-Luc Mélenchon suffisent-ils à établir un lien entre le mouvement et la franc-maçonnerie ? Rien n’indique que cette connexion soit intentionnelle ou structurée. Néanmoins, toutes ces pistes, ajoutées au fait que les valeurs de LFI et du GODF soient parfois similaires, nous poussent à s’interroger librement sur une double influence entre ces entités. Si rien n’est affirmable, une citation du discours de Jean-Luc Mélenchon adressé au Grand Orient de France en 2012 nous donne une grande indication sur son rapport profond à ces sociétés discrètes ésotériques : “Je suis uni à votre histoire par d’innombrable liens”.
La Franc-Maçonnerie hostile à l’extrême-gauche ?
La Loge La Lumière, basée à Neuilly-sur-Seine, a exprimé son exaspération face aux déclarations de plusieurs députés de La France Insoumise (LFI) et du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA). En effet, le 17 octobre 2023, elle a adressé un courrier à Guillaume Trichard, Grand Maître du Grand Orient de France, avec une demande claire : l’exclusion des membres de deux partis situés à gauche de l’échiquier politique : La France Insoumise et le Nouveau Parti-Anticapitaliste. En cause, selon La Lumière : le refus de certains élus de qualifier le Hamas d’organisation terroriste, ainsi qu’une réticence à « nommer correctement les choses » dans le débat public.
Face à cette situation, la loge a invoqué l’article 76, alinéas 5 et 6, des statuts du Grand Orient de France. Cet article encadrerait l’admission des membres et stipule notamment qu’un franc-maçon ne peut être adhérent ou sympathisant d’une organisation prônant la discrimination raciale ou la violence envers un individu ou un groupe en raison de leur origine, ethnie ou religion. Le Grand Orient de France avait d’ailleurs condamné “les attaques criminelles contre la population israélienne, attaques orchestrées par l’organisation terroriste Hamas”. La position pro-Palestinienne qu’a prise LFI ces dernières années pousse donc le Grand Orient de France à émettre son propre jugement, qui semble alors se classer plutôt du côté d’Israël, bien que la Franc-Maçonnerie ne soit pas une force politique, mais un ensemble d’initiés qui réfléchissent ensemble tout en pensant par eux-mêmes.
À noter que lors des dernières élections législatives, le Grand Orient de France, avait lancé un appel à la mobilisation de tous les Francs-maçons, pour combattre l’extrême droite et le Rassemblement National, qualifiés “d’impasse”. Une nouvelle piste qui permet de comprendre que les extrêmes sont redoutés par la Franc-Maçonnerie, et ce, des deux bords politiques, même si le 15 février 2024, le patron du RN, Jordan Bardella était invité à déjeuner au Cercle de l’union interalliée par une obédience maçonnique très à droite, comme révélé par le Canard Enchainé.