Le Parquet national antiterroriste a requis, ce mardi, des peines sévères dans le procès de Lafarge pour financement du terrorisme en Syrie. Une amende de 1,125 million d’euros est demandée contre la société, tandis que plusieurs anciens responsables, dont l’ex-PDG Bruno Lafont, encourent de lourdes peines de prison.
L’issue judiciaire se rapproche pour l’un des dossiers les plus sensibles mêlant une grande entreprise française et le terrorisme international. Mardi 16 décembre, devant le tribunal correctionnel de Paris, le Parquet national antiterroriste a requis une amende de 1,125 million d’euros contre le groupe Lafarge, jugé pour financement du terrorisme en Syrie, ainsi que des peines allant jusqu’à huit ans d’emprisonnement contre huit anciens responsables de la société. Le groupe appartient désormais à l’entreprise suisse Holcim qui compte parmi ses actionnaires, UBS et BlackRock, deux géants du Forum économique mondial.
Au cœur de ce procès, l’ancien PDG de Lafarge, Bruno Lafont, figure parmi les principaux prévenus. À son encontre, le PNAT a requis six ans de prison avec mandat de dépôt différé, assortis de 225 000 euros d’amende. Le ministère public demande également une interdiction d’exercer toute fonction commerciale ou industrielle, ou de diriger une entreprise, pour une durée de dix ans. Une peine lourde, destinée à sanctionner le rôle de la direction du groupe dans des décisions prises en zone de conflit.
La peine la plus élevée, huit ans d’emprisonnement, a été requise contre l’intermédiaire syrien Firas Tlass, considéré comme un maillon clé du dispositif mis en place sur le terrain. Absent au procès, il fait l’objet d’un mandat d’arrêt international. Les réquisitions visent ainsi l’ensemble de la chaîne décisionnelle et opérationnelle qui aurait permis la poursuite de l’activité industrielle du groupe en Syrie.
Concernant la personne morale, Lafarge SA, le parquet ne s’est pas limité à l’amende pénale. Il a également demandé la confiscation partielle du patrimoine du groupe à hauteur de 30 millions d’euros. En parallèle, une amende douanière solidaire de 4,570 millions d’euros a été requise contre la société et quatre des prévenus pour non-respect des sanctions financières internationales en vigueur à l’époque des faits.
Selon l’accusation, Lafarge aurait versé, en 2013 et 2014, plusieurs millions d’euros à des groupes armés djihadistes par l’intermédiaire de sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria. Ces paiements auraient bénéficié notamment à l’organisation État islamique et à Jabhat Al-Nosra, branche syrienne d’Al-Qaida, toutes deux classées comme organisations terroristes. L’objectif était de maintenir en activité la cimenterie de Jalabiya, dans le nord de la Syrie, alors que la plupart des entreprises étrangères avaient quitté le pays en raison de la guerre civile.
Ce procès, inédit par son ampleur et la nature des faits reprochés, soulève des questions majeures sur la responsabilité pénale des multinationales opérant en zone de conflit. À travers ces réquisitions, le Parquet national antiterroriste entend marquer la gravité des infractions poursuivies et rappeler que les impératifs économiques ne sauraient justifier des arrangements avec des groupes terroristes.
Le tribunal rendra sa décision dans les prochaines semaines. Elle sera scrutée de près, tant en France qu’à l’international, tant ce dossier constitue un précédent majeur en matière de justice pénale, de droit des affaires et de lutte contre le financement du terrorisme.
Sources :
Le Monde – lien