You are currently viewing Policiers de l’A4 : dix-huit mois avec sursis requis pour la collision volontaire contre un motard
Image : Capture d'écran document Le Monde.

Policiers de l’A4 : dix-huit mois avec sursis requis pour la collision volontaire contre un motard

À Créteil, le parquet a requis dix-huit mois de prison avec sursis contre deux policiers accusés d’avoir percuté volontairement un motard sur l’A4, en octobre 2025. La vidéo de la scène, devenue virale, est au cœur de l’audience, tandis que les explications des prévenus peinent à convaincre le tribunal. Le jugement sera rendu le 18 décembre.

Dans la salle d’audience du tribunal correctionnel de Créteil, l’atmosphère était lourde ce lundi 1er décembre. Deux policiers, membres d’une compagnie d’intervention de la Préfecture de police de Paris, y étaient jugés pour violences volontaires par personnes dépositaires de l’autorité publique avec arme par destination, après la collision survenue le 14 octobre sur l’autoroute A4, à hauteur de Charenton-le-Pont. Ce jour-là, un Peugeot 5008 de service avait percuté un motard circulant devant lui, sans toutefois provoquer sa chute. Très vite, une vidéo filmée depuis un véhicule suiveur s’était retrouvée massivement relayée sur les réseaux sociaux, alimentant une indignation fulgurante.

Le procureur Dylan Blanche n’a pas mâché ses mots. Parlant de « faits extrêmement graves », il a dénoncé des comportements susceptibles « d’amenuiser la confiance des citoyens dans l’institution » et a requis dix-huit mois de prison avec sursis à l’encontre des deux agents, assortis d’une interdiction d’exercer de deux ans et d’une interdiction de port d’arme d’un an. S’appuyant sur les images, qu’il a qualifiées de « preuve reine », il a estimé que les versions livrées par les policiers étaient « dénuées de crédibilité ».

Les prévenus, un major de 53 ans et un gardien de la paix de 26 ans, ont pourtant maintenu une ligne de défense identique à celle développée devant l’IGPN : le choc aurait été involontaire, provoqué par un changement de voie précipité lors d’un retour urgent à leur base. Le plus âgé, sobre et méthodique, a reconnu une « faute de conduite » et une « manœuvre assez brutale », tout en laissant échapper un lapsus parlant : un « mouvement d’humeur » qu’il n’a pas su expliquer davantage. Or, les déclarations de la victime, contredisent cette version : « À aucun moment je n’ai été dans son angle mort. »

À la barre, le motard a décrit les séquelles psychologiques de l’incident : la peur, les nuits écourtées, les flashs répétés. « Je ne suis pas passé très loin de la mort », a-t-il rappelé, dans un témoignage sobre et bouleversant. Son avocat, Arié Alimi, a avancé l’hypothèse d’une vengeance impulsive : quelques minutes avant le choc, des images montrent le motard couper très légèrement la route du véhicule de police. Selon lui, cette brève interaction aurait déclenché un « virilisme de chauffard », renforcé par l’expérience du major au sein de la BRAV-M, unité déjà critiquée pour ses méthodes musclées.

Le comportement du jeune gardien de la paix a lui aussi interpellé le tribunal. Visiblement fébrile, souvent en quête d’approbation de son supérieur, il a justifié un geste du bras aperçu sur la vidéo au moment du choc par la volonté de signaler un changement de voie imminent. Un « geste réflexe », selon lui, malgré sa maladie supposée ce jour-là. Pour le procureur, cet élément constitue l’une des incohérences les plus flagrantes du dossier.

La défense, de son côté, appelle à la prudence. L’avocate du motard, Estelle Camus, a dénoncé une lecture abusive de la séquence vidéo, affirmant qu’« avant le choc, il ne se passe rien ». Son confrère Jérôme Andrei, avocat du major, estime que « la preuve reine » évoquée par le parquet ne démontre en rien l’intentionnalité. Il plaide pour une requalification en blessures involontaires, jugeant l’accusation de violences volontaires infondée.

Le tribunal, après ces heures d’audience marquées par les hésitations des prévenus et la force des images, rendra sa décision le 18 décembre. Un verdict très attendu, tant par la victime que par les observateurs des rapports entre police et citoyens, dans un contexte où chaque dérapage, filmé ou non, alimente un débat national déjà à vif.

Sources :
Le Monde – 01 décembre 2025 – lien

Laisser un commentaire