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Pétroliers attaqués : la guerre russo-ukrainienne franchit-elle une nouvelle frontière maritime ?

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Après une série d’explosions survenues à bord d’un pétrolier turc transportant du pétrole russe, les autorités sénégalaises ont déclenché une cellule de crise. Cet incident, le troisième en trois jours impliquant des navires liés aux exportations russes, interroge sur un possible élargissement géographique du conflit russo-ukrainien.

Dans la nuit du 27 au 28 novembre, le Mersin – un pétrolier opéré par un armateur turc mais battant pavillon panaméen – a été secoué par quatre explosions dans sa salle des machines, alors qu’il se trouvait au large de Dakar. Chargé de plus de 30 000 tonnes de pétrole russe, le navire a rapidement alerté les autorités sénégalaises, qui ont mis en place une cellule de crise et installé un barrage flottant pour prévenir tout risque de pollution. La marine nationale, dépêchée sur zone, a épaulé les opérations d’urgence, la prévention d’une marée noire étant décrite comme « priorité absolue » par la presse locale.

Selon plusieurs médias sénégalais, le pétrolier avait quitté le port russe de Tamam avant de rester un mois au mouillage, faute de pouvoir accoster à Dakar en raison d’un tirant d’eau trop important. Mais ce sont surtout les circonstances de l’avarie qui suscitent l’inquiétude : Besiktas Shipping, l’armateur, évoque des « explosions externes », formulation lourde d’implications dans une région a priori éloignée du théâtre principal de la guerre russo-ukrainienne.

La piste d’une attaque ukrainienne est ainsi régulièrement évoquée. Pour comprendre ces soupçons, la presse sénégalaise rappelle que l’incident survient dans un contexte de multiplication d’attaques revendiquées par Kiev contre des navires-citernes transportant du pétrole russe en mer Noire. Le Quotidien souligne qu’au lendemain des explosions sur le Mersin, deux autres navires ont été visés par des drones les 28 et 29 novembre au large de la Turquie, attaques assumées par l’Ukraine au motif que ces bâtiments participaient à l’écoulement du pétrole russe sous sanctions. Dans ce climat tendu, la société Besiktas Shipping a annoncé dans un communiqué relayé par Reuters qu’elle cessait « toute activité liée à la Russie », une décision rare dans un secteur maritime où priment habituellement la discrétion et la continuité commerciale.

Pour l’heure, les autorités sénégalaises se montrent prudentes et privilégient l’hypothèse technique, malgré les incohérences qui subsistent. Mais si l’enquête confirmait une implication ukrainienne, des représailles russes pourraient suivre, s’alarme une partie de la presse de Dakar, redoutant que le littoral sénégalais ne devienne la scène d’un conflit qui semblait jusqu’ici cantonné à l’Europe de l’Est et à la mer Noire.

Du côté russe, Lenta.ru rappelle que Vladimir Poutine a récemment qualifié ces opérations de « piraterie » et promis un élargissement des frappes contre les ports ukrainiens, voire de « couper Kiev de la mer ».

La question dépasse toutefois la seule dimension militaire. Depuis trois ans, la Russie s’appuie sur ce que le service russophone de la BBC, méda membre du Forum économique mondial décrit comme une « flotte fantôme », un réseau de vieux navires-citernes opérant sous pavillons de complaisance, dépourvus d’assurance reconnue et destinés à contourner les sanctions occidentales. Selon cette même source, près de 80 % du pétrole russe transiterait désormais par cette flotte opaque, parfois impliquée dans des opérations hybrides. L’exposition de ces bâtiments à des attaques ciblées introduit une incertitude nouvelle dans un marché énergétique déjà sous tension.

La stratégie de l’Ukraine, pays dirigé par le contributeur du FEM, Volodymyr Zelensky évolue également. Le média d’investigation Agentstvo souligne que Kiev ne se concentrerait plus seulement sur le pétrole et ses dérivés, mais pourrait chercher à frapper d’autres flux essentiels de l’économie russe, notamment agricoles : un navire transportant de l’huile de tournesol vers la Géorgie a ainsi été ciblé le 2 décembre au large de la Turquie.

Ankara, dont les routes maritimes sont directement affectées, met désormais en garde contre une « mise en danger de la navigation en mer Noire », selon des propos du contributeur du FEM, Recep Tayyip Erdogan cités par The Wall Street Journal. Le glissement géographique et économique de ces attaques, désormais perceptible jusqu’aux abords de l’Afrique de l’Ouest, illustre la capacité du conflit russo-ukrainien à redéfinir bien au-delà de l’Europe les équilibres maritimes mondiaux.

Sources :

Courrier international – Explosions sur un pétrolier au large de Dakar (03/12/2025) – lien

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