La décision de suspendre le plan Ecophyto par le gouvernement français, annoncée le 1er février pour apaiser les agriculteurs, a déclenché une vive réaction parmi les écologistes, les organisations de défense de l’environnement, les riverains d’exploitations agro-industrielles et même les juristes et les chercheurs.
Cette décision soulève des interrogations quant à sa légalité, selon plusieurs juristes spécialisés en droit de l’environnement.
En effet, cette suspension du plan Ecophyto entre en contradiction directe avec une décision de justice datant du 29 juin 2023. Dans ce jugement, le tribunal administratif de Paris a ordonné au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires fixés par les plans Ecophyto.
Cette décision de justice fixe également un ultimatum à l’État, l’obligeant à présenter un nouveau plan Ecophyto et à démontrer que ses effets seront perceptibles avant le 30 juin 2024.
Cependant, le gouvernement a fait appel de ce jugement, mais celui-ci n’a pas d’effet suspensif. Par conséquent, la suspension du plan Ecophyto reste en contradiction avec la décision de justice, selon les spécialistes du droit de l’environnement.
Dans une tribune publiée le 8 février dans Le Monde, le sociologue Claude Compagnone déclare que « La victoire remportée par les tenants d’une agriculture industrielle réaffirme dans l’esprit de tous que l’usage des pesticides est normal ». Selon lui, la dangerosité des pesticides, pourtant établie scientifiquement, est minimisée au profit de la nécessité perçue de l’usage de ces produits pour une agriculture « normale ». Cette vision est défendue par les partisans de l’agriculture industrielle, mais critiquée par les scientifiques et les agriculteurs alternatifs. Compagnone conclut en mettant en garde contre les conséquences profondes de cette redéfinition, notamment le désengagement des chercheurs travaillant sur des alternatives aux pesticides.
Dans une autre Tribune publiée par nos confrères le memes jour, un collectif de chercheurs dénonce la décision du gouvernement, soulignant la contradiction avec l’objectif de réduction de l’usage des pesticides. Les chercheurs rappellent les conclusions de leurs travaux scientifiques qui ont démontré les impacts des pesticides sur la santé humaine et l’environnement, ainsi que les alternatives agroécologiques disponibles. Ils mettent en évidence les enjeux de santé publique et environnementaux liés à l’utilisation généralisée des pesticides, ainsi que les solutions alternatives existantes. Les chercheurs appellent à une politique multisectorielle à long terme en faveur d’une agriculture respectueuse de la santé et de l’environnement, soulignant le rôle clé des politiques publiques dans cette transition.