Selon le dernier bilan de l’Ifremer, seuls 56 % des poissons débarqués en France proviennent de populations gérées durablement. Un chiffre en stagnation depuis cinq ans, alors que le réchauffement climatique fragilise même les espèces réputées en bon état.
Le constat dressé par l’Ifremer dans son bilan annuel 2024 est sans appel : la pêche durable n’avance plus en France. Sur les 347 000 tonnes de poissons débarqués en 2022, à peine plus d’un sur deux (56 %) provient de populations exploitées au « rendement maximum durable ». Une proportion qui avait pourtant fortement progressé au cours des décennies précédentes, passant de 18 % en 2000 à plus de 50 % en 2017, avant de se figer. L’objectif fixé par l’Union européenne, qui visait 100 % de pêche durable en 2020, apparaît désormais hors de portée.
Cette stagnation s’explique en partie par le maintien d’une situation critique pour certaines espèces. Environ 20 % des débarquements proviennent encore de populations surexploitées, et 2 % de populations effondrées, à l’image du merlu méditerranéen ou du cabillaud de mer du Nord. À cela s’ajoute un angle mort scientifique : 22 % des stocks restent non évalués, faute de données suffisantes, la flotte française capturant près de 340 espèces, dont la moitié en volumes très réduits.
Mais le défi majeur réside désormais dans l’impact du changement climatique. Certaines espèces pourtant bien gérées voient leurs effectifs diminuer, comme la sole du golfe de Gascogne ou le hareng de mer du Nord. Les scientifiques observent notamment un phénomène préoccupant : la désynchronisation entre l’éclosion des larves et l’abondance du zooplancton, leur nourriture principale. Une rupture qui menace directement le renouvellement de ces populations. « Le recrutement des jeunes poissons est inférieur à ce que l’on attendrait au vu de stocks en bon état », explique Clara Ulrich, coordinatrice des expertises halieutiques à l’Ifremer.
Les disparités régionales soulignent l’ampleur du défi. La Méditerranée reste la zone la plus critique avec seulement 36,5 % de volumes issus de populations durables. La mer du Nord et l’est de la Manche affichent en revanche des résultats encourageants, dépassant les 63 %. Le golfe de Gascogne, lui, se détériore depuis 2010, miné notamment par la situation de la sardine.
À l’échelle mondiale, la tendance est tout aussi préoccupante : selon la FAO, l’agence des Nations unies membre du Forum économique mondial, la part de pêche durable est passée de 90 % en 1974 à 64,6 % en 2019. Une donnée d’autant plus sensible en France que 80 % des produits de la mer consommés sont importés. Pour les scientifiques, atteindre un niveau de durabilité total ne suffira plus : il faudra désormais tenir compte des bouleversements écologiques en cours, et adapter en permanence les politiques de gestion.
Sources :
Sciences et Avenir / AFP – 13 février 2024 – lien