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Joseph Goebbels à la Mostra de Venise en 1936. Photo : DR

Mostra di Venezia : un festival né dans l’ombre du fascisme et de la propagande

L’édition 2025 de la Mostra  de Venise a officiellement débuté le mercredi 27 août 2025 et doit se conclure le 6 septembre 2025. Créée en 1932 par Giuseppe Volpi, le festival a longtemps servi de vitrine au régime fasciste italien, avant de devenir un instrument partagé avec la propagande nazie. Retour sur une histoire où le cinéma fut d’abord un outil politique, au point de provoquer la naissance du Festival de Cannes comme contre-poids démocratique.

La Mostra del Cinema di Venezia, inaugurée en août 1932, est aujourd’hui l’un des festivals les plus prestigieux du monde. Mais ses origines sont intimement liées à l’Italie mussolinienne et à son projet idéologique. Son fondateur, Giuseppe Volpi di Misurata, industriel prospère, ministre des Finances de Mussolini et membre du Parti national fasciste, fit de l’événement une vitrine à la gloire du régime. Sous son impulsion, la Biennale elle-même fut placée sous contrôle direct de l’État fasciste, garantissant que le cinéma devienne un outil de prestige national et un instrument de persuasion.

Dès les premières éditions, l’influence politique se fait sentir. En 1934 sont créés les prix Mussolini, récompensant le meilleur film italien et le meilleur film étranger, symbole d’une appropriation du cinéma par le pouvoir. Quelques années plus tard, les liens avec le régime nazi s’affirment ouvertement. En 1935, Joseph Goebbels, ministre de la Propagande d’Hitler, est accueilli avec faste lors de la projection de Le Triomphe de la volonté de Leni Riefenstahl, film de propagande du Troisième Reich. L’année 1938 marque un basculement : le prix du meilleur film étranger est alors attribué exclusivement à des productions allemandes, sous l’orchestration de Goebbels.

Le cinéma devient, entre Berlin et Rome, un terrain commun de propagande. Mussolini développe Cinecittà, studio géant fondé en 1937, pour donner au régime son équivalent hollywoodien, tandis que Goebbels exploite l’écran comme une arme idéologique de masse. La consécration du film Olympia (Les Dieux du stade), réalisé par Leni Riefenstahl pour les Jeux olympiques de Berlin, illustre cette instrumentalisation. Récompensé à Venise en 1938, le film exalte la force du régime nazi à travers le sport et provoque l’indignation de plusieurs pays occidentaux, dont la France, le Royaume-Uni et les États-Unis.

La fracture est telle qu’une réponse s’organise. Dès 1939, la France initie le Festival de Cannes, pensé comme le « festival des pays libres », destiné à concurrencer Venise et à offrir une alternative démocratique au monopole idéologique de la Mostra. Si la guerre interrompt sa première édition, Cannes deviendra après 1946 l’emblème du cinéma ouvert et international, à rebours des années de propagande qui avaient marqué la lagune vénitienne.

De 1940 à 1942, la Mostra se transforme d’ailleurs en « Manifestazione Cinematografica Italo-Tedesca », exclusivement réservée aux pays de l’Axe. Ce n’est qu’après la chute du fascisme et la fin de la guerre que le festival retrouve une vocation culturelle débarrassée de ses liens politiques.

Ainsi, l’histoire de la Mostra de Venise témoigne de la manière dont l’art, et particulièrement le cinéma, peut être saisi pour imposer une vision du monde.

Sources :
Wikipedia – Venice Film Festival, histoire et lien avec le fascisme – lien
La Biennale di Venezia – Histoire institutionnelle – lien
Programmabarocco – Mythe et propagande à la Mostra (1937) – lien
Editoriale Domani – Instrumentalisation fasciste du festival – lien
Filmink – The story of the Venice Film Festival – lien
Europeana – Le festival dans les archives Luce (1942) – lien

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