Après l’assassinat de Charlie Kirk, figure médiatique de l’extrême droite américaine, une campagne numérique s’est déclenchée aux États-Unis pour identifier et exposer les internautes s’étant réjouis publiquement de sa disparition. Portée par des soutiens du camp MAGA et adoubée par certains responsables politiques proches de Donald Trump, cette opération de doxxing a déjà entraîné des licenciements et soulevé de nouvelles inquiétudes sur la liberté d’expression.
Le 10 septembre, l’annonce de la mort de Charlie Kirk, tué par balle, a agi comme un détonateur dans la sphère politique américaine. Figure emblématique du conservatisme militant et proche de Donald Trump, l’influenceur chrétien anti LGBT s’était fait connaître par ses positions tranchées, ce qui lui avait valut souvent à tord d’être accusé de racisme, de misogynie ou d’islamophobie, même s’il était également un grand adepte du débat et de la non-violence, une facette de sa personnalité peux détaillée en France.
Quelques heures à peine après son décès, les réactions se sont multipliées en ligne, certaines exprimant ouvertement leur soulagement, voire leur joie, ce qui a profondément choqué après ce meurtre politique.
La polémique a enflée jusqu’au Royaume-Uni, où George Abaraonye, président élu de l’Oxford Union, organisation gérée par des étudiants de l’université éponyme, s’est retrouvé au cœur d’une vive controverse après avoir semblé se réjouir de la mort de Charlie Kirk. L’étudiant a présenté ses excuses, tandis que la société de débats a condamné ses propos mais aussi les menaces racistes dont il a été victime suite à ce bad buzz.
La galaxie MAGA décide de réagir
Un compte X nouvellement créé, la Charlie Kirk Data Foundation, a revendiqué le 15 septembre avoir « identifié plus de 50 000 personnes » se réjouissant de la mort de l’influenceur. Impossible à vérifier, ce chiffre illustre néanmoins l’ampleur d’une campagne organisée de doxxing : une opération consistant à révéler publiquement des données personnelles d’internautes jugés coupables de propos « hostiles ». Dans un premier temps, la plateforme en ligne liée à cette fondation affichait noms, employeurs et lieux de résidence de dizaines de personnes, y compris à partir de messages initialement publiés dans des cercles privés sur Facebook ou Instagram.
Sous la pression et face aux critiques, le site a récemment modifié sa présentation, se limitant désormais à affirmer collecter « légalement des données publiques » à des fins d’analyse. Il reste néanmoins hébergé par Epik, une infrastructure historiquement utilisée par des acteurs de la droite, voire de l’extrême droite américaine. Wired a révélé que le portail avait vu le jour dès la soirée de l’assassinat, sur le campus de l’université de la vallée de l’Utah, sans que ses fondateurs n’acceptent de s’exprimer autrement que devant des médias conservateurs.
Cette traque en ligne s’inscrit dans un climat politique déjà saturé de tensions. Le président Donald Trump lui-même a continué d’honorer la mémoire de Charlie Kirk, dénonçant « la gauche » comme responsable des violences politiques. Son administration n’a pas hésité à prolonger ce combat dans les rangs institutionnels. Pete Hegseth, secrétaire à la défense, a ordonné une surveillance accrue des publications des militaires afin de sanctionner toute critique du défunt, tandis que Sean Duffy, secrétaire aux transports, a publiquement salué la suspension d’un pilote d’American Airlines après la découverte d’un message critique diffusé sur Facebook. Lors d’une visio organisée lors de la manifestation britannique contre l’immigration et pour la liberté d’expression, Elon Musk a également déclaré que la gauche était le « partie du meurtre ».
La chasse aux réactions jugées déplacées a trouvé un relais puissant dans les réseaux conservateurs. Des figures comme Joey Mannarino ou Laura Loomer ont mobilisé leurs communautés, partageant les messages incriminés avec des informations personnelles sur leurs auteurs. En parallèle, une campagne de dons en cryptomonnaies a été lancée pour financer le projet à long terme.
La gauche contre-attaque
Mais cette offensive a soulevé de vives oppositions. Anonymous a incité ses millions de partisans à perturber les collectes de données, tandis que sur Reddit, de nombreux internautes ont dénoncé les atteintes aux libertés individuelles et aux droits à la vie privée. Certains témoins affirment avoir reçu des menaces de mort ou avoir dû fermer leurs comptes en ligne.
Au-delà des intimidations numériques, les conséquences sociales se sont avérées immédiates. L’AFP rapporte plusieurs cas de licenciements, touchant des employés d’universités, des pompiers ou encore des militaires. L’université publique du Tennessee a ainsi mis fin au contrat de Laura Sosh-Lightsy après un simple post Facebook déclarant : « La haine engendre la haine. Zéro sympathie. »
L’affaire Charlie Kirk révèle une société américaine de plus en plus fracturée, polarisée, où il devient très difficile d’estimer où s’arrête la frontière ténue entre le respect aux morts et la liberté d’expression dont Kirk était l’un des principaux défenseurs.
Sources :
Le Monde – « Après la mort de Charlie Kirk, la traque en ligne des réactions jugées hostiles à l’influenceur » – lien
Wired – « A shadowy website is doxxing critics of Charlie Kirk » (septembre 2025) – lien
AFP – Dépêches citées par Le Monde (septembre 2025)