En mars 2017, au cœur de la tempête judiciaire qui frappait François Fillon, un dîner discret organisé chez Thierry Solère a marqué un tournant dans la carrière de Sébastien Lecornu. Huit ans plus tard, ce choix pèse encore lourd alors qu’il vient d’accéder à Matignon.
Le 2 mars 2017 reste une date charnière pour Sébastien Lecornu. À seulement 30 ans, le jeune président du conseil départemental de l’Eure est alors directeur adjoint de la campagne de François Fillon. Mais ce jour-là, l’ancien Premier ministre apprend qu’il sera mis en examen dans l’affaire des emplois présumés fictifs de son épouse. La droite vacille, les soutiens s’interrogent et les défections s’enchaînent.
Fillon, pourtant vainqueur incontesté de la primaire, choisit de se maintenir. Pire encore, il annonce un grand rassemblement au Trocadéro, transformant sa campagne en bras de fer avec la justice et en tribune contre les institutions. Pour Lecornu, c’est une ligne rouge. Dans un mail adressé à son entourage, il démissionne de ses fonctions de directeur adjoint, déclarant au Monde : « Est-ce que c’est notre rôle de faire siffler les juges et de servir de rampe de lancement à Marine Le Pen ? »
Quelques jours plus tard, le franc-maçon Thierry Solère, lui aussi en rupture avec Fillon, organise un dîner à son domicile. Autour d’un rosbif et de pommes de terre, une poignée d’élus de droite réfléchissent à leur avenir. Parmi eux : Édouard Philippe, Gérald Darmanin, Bruno Le Maire, Benoist Apparu et Sébastien Lecornu. Tous rallieront rapidement Emmanuel Macron. La photo de ce dîner, publiée par Paris Match en 2020, deviendra symbolique de ce basculement.
Le pari s’avérera gagnant. Solère deviendra conseiller officieux du président, Philippe sera nommé Premier ministre, Darmanin prendra les Comptes publics, Le Maire s’installera à Bercy, tandis que Lecornu fera son entrée au gouvernement comme secrétaire d’État auprès de Nicolas Hulot.
Huit ans plus tard, en septembre 2025, Sébastien Lecornu est à son tour propulsé à Matignon. Sa nomination intervient dans un contexte tendu, après la dissolution ratée de l’Assemblée nationale et la chute de deux Premiers ministres successifs. Lors de la passation de pouvoir avec François Bayrou, une figure veille discrètement : Thierry Solère, l’ami et mentor de toujours, qui avait déjà été à l’origine du dîner fondateur de 2017.
Ainsi, autour d’un simple repas, s’était joué l’un des tournants décisifs de la recomposition politique française, marquant le passage d’une génération de jeunes élus de la droite républicaine à l’aventure macroniste.
Sources :
- Paris Match – 13 septembre 2025