Le magazine Marianne fait face à une nouvelle impasse dans sa tentative de trouver un repreneur. Après l’arrêt des discussions avec Pierre-Edouard Stérin, c’est désormais avec l’entrepreneur Jean-Martial Lefranc que les négociations ont échoué. En cause : des divergences sur l’indépendance éditoriale du titre, au cœur des préoccupations de sa rédaction.
Propriété du groupe CMI France, détenu par le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, Marianne est en quête d’un repreneur depuis avril 2024. Des négociations exclusives avaient été engagées avec Jean-Martial Lefranc, entrepreneur de 62 ans ayant fait carrière dans l’industrie des jeux vidéo et propriétaire du groupe de presse jeunesse Fleurus. Lefranc proposait une offre de rachat à hauteur de 8,5 millions d’euros, avec une participation de CMI à hauteur de 3 millions d’euros pour couvrir une partie des coûts de reprise.
Cependant, ces discussions ont rapidement pris fin lorsque Lefranc a exprimé son intention d’intervenir dans la ligne éditoriale du magazine. Il avait notamment affirmé vouloir « remédier personnellement » aux articles ne répondant pas, selon lui, aux « exigences de la déontologie journalistique ».
Le bras de fer avec la rédaction
Ces déclarations ont immédiatement suscité la méfiance et l’opposition de la rédaction, qui a exprimé sa détermination à défendre son indépendance. La société des rédacteurs de Marianne (SRM) avait même évoqué la possibilité de recourir à la grève pour garantir la pérennité de leur ligne éditoriale.
Cette opposition a conduit Jean-Martial Lefranc à se retirer du projet, déclarant que la « radicalité » de la rédaction rendait impossible une reprise « sereine et constructive ».
Un avenir incertain pour Marianne
Dans un communiqué, CMI France a pris acte de l’échec des négociations et exprimé ses inquiétudes face à une « situation inédite » plaçant le magazine dans une « conjoncture incertaine ». Le groupe a néanmoins réaffirmé sa volonté de trouver une solution pour garantir l’avenir du titre.
Depuis 2018, Marianne a accumulé des difficultés financières, avec une perte de 3 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 12 millions d’euros en 2023. Sa diffusion a également reculé, atteignant 129 000 exemplaires vendus en 2023, soit une baisse de 1,3 % par rapport à 2022. À titre de comparaison, ses concurrents Le Point, L’Obs et L’Expressaffichent des performances supérieures, bien que également en déclin.
Une ligne éditoriale controversée
L’hebdomadaire défend une ligne souverainiste, pro-laïcité, antilibérale sur le plan économique et critique envers les élites. Ce positionnement, bien qu’unique sur le marché, a été un facteur déterminant dans la décision de Daniel Kretinsky de se séparer du magazine. En tant que libéral en économie et favorable à la construction européenne, le magnat tchèque ne partage pas l’orientation idéologique de Marianne.
L’échec de la reprise par Jean-Martial Lefranc met en lumière les défis auxquels fait face Marianne, tant sur le plan financier qu’éditorial. Si le groupe CMI reste déterminé à trouver un repreneur, les attentes élevées de la rédaction pourraient continuer de compliquer les négociations.