La contestation contre les indemnités jugées excessives des députés indonésiens a dégénéré en affrontements meurtriers. Alors que l’ONU réclame une enquête après la mort de six manifestants, une ONG locale affirme que vingt personnes sont portées disparues dans plusieurs villes du pays.
La colère ne retombe pas en Indonésie. Depuis le 25 août, des manifestations massives secouent le pays après la révélation d’indemnités de logement jugées indécentes attribuées aux députés. Lundi 1ᵉʳ septembre, la Commission pour les personnes disparues et les victimes de violences (KontraS) a fait état de vingt disparitions recensées à Djakarta, Bandung, Depok et dans un « lieu inconnu », survenues en marge des mobilisations.
Ces révélations surviennent alors que les forces de l’ordre sont accusées d’avoir violemment réprimé les rassemblements, causant la mort de six personnes en quelques jours. Parmi elles, un chauffeur de moto-taxi écrasé par un véhicule de police, dont la vidéo est devenue virale et a servi d’étincelle à une mobilisation nationale. Des milliers de manifestants ont afflué dans les rues de plusieurs grandes villes – de Gorontalo à Palembang, en passant par Yogyakarta et Bornéo – affrontant policiers et militaires.
Face à l’ampleur du mouvement, l’ONU a exigé une enquête « rapide, approfondie et transparente » sur l’usage disproportionné de la force par les autorités. Ravina Shamdasani, porte-parole du Bureau des droits de l’homme, a rappelé que la contestation s’inscrivait également dans un contexte de mesures d’austérité et de difficultés économiques croissantes pour la population.
Le président Prabowo Subianto, ancien militaire au passé controversé, a tenté d’apaiser la colère en annonçant la suppression de l’indemnité parlementaire la plus critiquée. Mais dans le même temps, il a durci le ton contre les manifestants : « La loi prévoit que si vous voulez manifester, vous devez demander la permission. Et cela doit se terminer à 18 heures », a-t-il martelé.
La police a reconnu la responsabilité de plusieurs de ses agents : sept officiers ont été arrêtés, dont le conducteur de la camionnette impliquée dans la mort du chauffeur de moto-taxi. Deux d’entre eux passeront devant un tribunal d’éthique et pourraient être révoqués.
Dans la capitale, l’armée a multiplié les patrouilles, des tireurs d’élite ont été déployés, et de nombreux habitants ont été invités à télétravailler. Malgré ce dispositif sécuritaire, de nouveaux rassemblements sont prévus, notamment devant le Parlement. Certains militants y voient le point de départ d’un « front populaire autonome » pour contraindre les élites politiques à répondre aux revendications.
Entre les affrontements, les pillages de domiciles de députés et la suspension temporaire des vidéos en direct sur TikTok pour « raisons de sécurité », l’Indonésie traverse sa plus grave crise politique et sociale depuis l’arrivée au pouvoir de Prabowo Subianto en octobre 2024.