Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté dans les rues de Budapest ces derniers jours pour dénoncer une nouvelle proposition de loi que le gouvernement hongrois présente comme un projet de « transparence de la vie publique ». Cette mobilisation citoyenne vise à protéger la liberté des médias et le travail des ONG, tous deux directement visés par le texte législatif.
Déposé en début de semaine au Parlement par le Fidesz, parti du Premier ministre Viktor Orbán, le projet de loi entend instaurer un « Bureau de protection de la souveraineté », un nouvel organe chargé de traquer les « ingérences étrangères » dans la vie politique hongroise. Dans sa version actuelle, le texte cible explicitement les organisations non gouvernementales et les médias considérés comme critiques à l’égard du pouvoir, les accusant de nuire à la souveraineté nationale. Ce bureau bénéficierait de pouvoirs larges, notamment en matière d’enquête, sans obligation de publication de ses conclusions, et pourrait transmettre ses dossiers au parquet, alimentant les craintes quant à une dérive autoritaire et à la criminalisation de certaines voix dissidentes.
Une mobilisation massive dans les rues de Budapest
La réponse populaire ne s’est pas fait attendre. Dès l’annonce du dépôt du texte, des manifestations spontanées ont éclaté dans plusieurs villes du pays, culminant samedi avec un rassemblement de grande ampleur à Budapest. Drapeaux européens à la main, les manifestants ont défilé depuis la place Hősök jusqu’au siège du Parlement pour réclamer le retrait du projet de loi. Parmi eux, de nombreuses figures de la société civile hongroise ont exprimé leur inquiétude face à ce qu’elles considèrent comme une attaque supplémentaire contre l’espace démocratique du pays.
Au cœur des slogans, le rejet d’un pouvoir considéré comme de plus en plus opaque et autoritaire.Plusieurs ONG, dont Transparency International Hongrie et le Helsinki Committee, ont également dénoncé un projet « aux contours flous mais aux effets potentiellement dévastateurs sur la société civile ». Pour les médias indépendants, déjà confrontés à une pression croissante depuis plusieurs années, le texte pourrait ouvrir la voie à une nouvelle phase de surveillance et d’intimidation.
Le spectre d’une restriction des libertés fondamentales
Sous couvert de souveraineté, le gouvernement renforce en réalité sa maîtrise du paysage médiatique et associatif, selon nombre d’analystes. Le précédent de la loi de 2017 sur le financement étranger des ONG, elle-même largement critiquée par les institutions européennes, reste dans toutes les mémoires. Cette nouvelle initiative législative s’inscrit dans une tendance plus large de recentralisation du pouvoir sous Viktor Orbán, qui gouverne depuis 2010 avec une majorité absolue au Parlement.
Le caractère vague du texte, notamment en ce qui concerne la définition des « intérêts étrangers » ou encore des critères d’« influence illicite », alimentent les craintes de dérives arbitraires. Le Bureau prévu par la loi ne serait par ailleurs soumis à aucun contrôle parlementaire ou judiciaire, ce qui pose de sérieuses questions sur l’équilibre des pouvoirs en Hongrie.
Bruxelles dans l’expectative
Au niveau européen, l’Union qui multiplie également les instances chargée de lutter contre les ingérences étrangères, suit de près l’évolution du texte. La Hongrie est déjà au centre de plusieurs procédures d’infraction liées à l’état de droit, et ce nouveau projet pourrait créer de nouvelles frictions avec Bruxelles. Le mécanisme de conditionnalité des fonds européens — suspendus à des garanties en matière de respect des valeurs fondamentales — pourrait une fois de plus être mobilisé si la législation était adoptée telle quelle.
De son côté, le gouvernement hongrois assure qu’il s’agit d’une mesure nécessaire pour protéger le pays contre les tentatives d’ingérence. « Nous devons défendre la souveraineté hongroise contre les financements opaques et les manœuvres orchestrées depuis l’étranger pour influencer notre politique », a déclaré un porte-parole du Fidesz. Des propos qui ne suffisent pas à apaiser une société civile déjà éprouvée par des années de confrontation avec le pouvoir exécutif.
Dans l’attente du débat parlementaire, prévu dans les prochaines semaines, les opposants au texte cherchent à maintenir la pression dans la rue comme sur la scène internationale. Pour de nombreux activistes et journalistes hongrois, l’issue de ce bras de fer pourrait sceller le sort de la liberté d’expression dans le pays.