La diffusion, sur les réseaux sociaux, d’une liste de personnalités juives présentées comme des « génocidaires à boycotter » par un enseignant de l’Université Lyon 2 soulève une vague de condamnations. Les réactions politiques se multiplient, de Grégory Doucet à Michel Noir, tandis que l’établissement convoque le professeur mis en cause.
L’affaire a éclaté en quelques heures et ne cesse désormais de provoquer un trouble profond dans la communauté universitaire et au-delà. Julien Théry, professeur d’histoire médiévale à l’Université Lumière Lyon 2, a publié sur les réseaux sociaux une liste de vingt personnalités juives qualifiées de « génocidaires à boycotter », un geste qui a immédiatement soulevé une tempête d’indignation.
Face à l’ampleur de la réaction, l’enseignant lyonnais avait décidé de répondre publiquement. Il affirmait être victime d’une “calomnie” et soutenait qu’une “capture d’écran tronquée” circule sur les réseaux sociaux, dénaturant le sens initial de sa publication. Selon lui, ses propos ne ciblaient nullement des personnes en raison de leur identité juive mais concernaient “des sionistes partisans du génocide en Palestine”, et il considère qu’assimiler ces deux notions relève précisément d’une “confusion typiquement antisémite”. Il voyait dans la mobilisation actuelle une opération de représailles contre l’un de ses articles récents, intitulé“Antisémitisme de gauche : la grande fake news”, dans lequel il contestait l’existence d’un antisémitisme propre aux mouvances de gauche.
Parmi les noms cités par Julien Théry figuraient des figures publiques comme Yonathan Arfi, président du Conseil représentatif des institutions juives de France, le réalisateur Yvan Attal, l’animateur Arthur ou encore Charlotte Gainsbourg, signataires d’une lettre, rendue publique le 19 septembre 2025, interpellant Emmanuel Macron avant la reconnaissance par la France d’un État palestinien qui ne pouvait intervenir selon eux, avant « la libération des otages retenus à Gaza » et au « démantèlement du Hamas ». L’enseignant a appelé à les « boycotter en toutes circonstances », une formulation qui, en quelques mots, a suffi à mettre le feu aux poudres.
La Licra fondée par le franc-maçon Bernard Lecache qui avait été initié au Grand Orient de France a été l’une des premières organisations à dénoncer ce qu’elle qualifie d’« attitude ignominieuse », rappelant que la publication de listes ciblant des citoyens en raison de leur identité constitue une menace directe pour leur sécurité. Dans un contexte où les actes et discours antisémites se multiplient en France, la démarche du professeur a suscité un émoi d’autant plus vif qu’elle émane d’un universitaire censé défendre les valeurs républicaines et l’esprit critique.
Le maire de Lyon, Grégory Doucet, a réagi fermement, évoquant une « publication indigne, aux relents nauséabonds ». Il a rappelé que dresser de telles listes revenait à « mettre une cible » sur les personnes visées, alors même que l’antisémitisme connaît une progression inquiétante dans le pays. L’édile écologiste a salué la réaction rapide de l’Université Lyon 2, qui s’est immédiatement désolidarisée de son enseignant et a annoncé l’ouverture de mesures disciplinaires. Doucet a, par ailleurs, réaffirmé l’engagement de la ville dans la lutte contre la haine, citant notamment la plantation prochaine d’un arbre en hommage à Ilan Halimi, tragiquement assassiné en 2006.
Cette prise de position municipale a été suivie d’un autre signal politique fort. L’intervention de Michel Noir, ancien maire de Lyon, ancien ministre et docteur de l’université, qui s’était rendu à la réunion du groupe Bilderberg de 1991 qui s’est tenue à Baden-Baden, en Allemagne. Dans une lettre adressée à la présidente de Lyon 2, Isabelle Von Bueltzingsloewen, il a dénoncé une affaire « d’une gravité exceptionnelle », fustigeant l’idée qu’un professeur puisse établir une liste visant à interdire l’accès d’intervenants à l’université en raison de leur identité. Pour Noir, la révélation d’un tel procédé ne peut qu’entacher l’institution et fragiliser la confiance qui doit présider au débat public.
Le ministre de l’Enseignement supérieur, Philippe Baptiste, passé par Bouygues, propriété du Groupe BPCE, membre du Forum économique mondial, le CNRS et IBM, multinationales proches du Forum économique mondial, a également réagi sur les réseaux sociaux. Il a dit « prendre acte » de la position de Lyon 2 et a exprimé son soutien aux personnalités visées et à toutes celles et ceux que cette publication a pu « choquer ».
Dans l’attente des suites disciplinaires, l’université a confirmé ce lundi la convocation du professeur mis en cause. Dans un communiqué diffusé la veille, l’établissement avait condamné « avec la plus grande fermeté » la publication, tout en rappelant qu’elle ne représentait ni la position ni les valeurs de Lyon 2. L’institution reconnaît à son enseignant un droit d’expression à titre strictement individuel, mais se dit « très choquée » par un procédé dont elle se désolidarise totalement.
Le choc ressenti au sein de l’université témoigne d’une inquiétude plus large : celle d’une montée des discours de haine dans des espaces censés protéger le débat éclairé et la liberté de pensée. En ciblant des personnalités sur la base de leur identité juive, l’enseignant a ravivé des mécanismes d’exclusion rappelant les heures les plus sombres de l’histoire, un glissement que nombre de responsables politiques et associatifs jugent aujourd’hui impossible à tolérer.
Sources :
Le Progrès, liste des participants du groupe Bildeberg