La campagne des élections métropolitaines de 2026 s’ouvre dans un climat explosif à Lyon. En lançant officiellement sa candidature à Villeurbanne, fief de la gauche, Tiffany Joncour, députée du Rhône et cheffe de file du Rassemblement national pour la Métropole, a voulu apparaître comme l’alternative d’ordre face à une majorité écologiste qu’elle juge « chaotique ». Mais derrière les discours de respectabilité, le lancement de campagne met au jour un paradoxe profond : une stratégie de victimisation publique, doublée d’un enracinement dans les réseaux identitaires lyonnais.
Aux Terrasses du Parc, le RN a réuni plusieurs centaines de soutiens dans une ambiance électrique. Quelques heures plus tôt, tags anti-RN, appels à manifester et la veille au soir, des messages hostiles projetés sur le musée des Beaux-Arts, donnaient le ton. Julien Odoul dénonçait un « dispositif de sécurité hors norme » et fustigeait « l’extrême gauche qui pollue la démocratie ».
Pour Tiffany Joncour, la situation devient une opportunité : son discours multiplie les références à la « violence contre le premier parti de France », une rhétorique qui vise à transformer chaque contestation en preuve de l’hostilité supposée que subirait le RN dans la région lyonnaise. Ce cadrage victimaire, s’accompagne d’accusations directes contre les élus locaux, notamment Jean-Michel Aulas et Laurent Wauquiez, accusés de refuser toute alliance par « sectarisme ».
À Lyon, cette posture permet au RN de se présenter comme outsider persécuté face à une coalition locale caricaturée comme « islamo-gauchiste ». Une image qui fonctionne auprès d’une partie de l’électorat de l’est lyonnais, notamment dans les zones périurbaines.
Une façade de respectabilité entretenue par Tiffany Joncour
La députée du Rhône a construit son image politique autour d’un triptyque : mère de famille, élue de proximité, voix de l’ordre. Son discours contre la ZFE, la ZTL et le « tout vélo », combiné à des propositions musclées en matière de sécurité, cible directement le ressentiment de nombreux habitants face à la politique écologique de la Métropole.
L’objectif est clair : incarner une droite « tranquille », ferme mais respectable, loin des outrances historiques du parti. Un positionnement qui lui a permis de s’imposer comme tête de file incontestable du RN dans le Grand Lyon, même si celle qui a remporté la 13e circonscription du Rhône ne fait pas l’unanimité chez les anciens du parti. Des historiques l’accusent d’avoir monopolisé les moyens militants pour sa campagne et d’avoir dirigé la fédération de manière solitaire. Cela a conduit Cédric Mermet, candidat dans la 14e et ex-délégué départemental adjoint, à quitter le parti. Plusieurs figures du Mouvement Sparatcus feraient également partie des déçus. Son fondateur, Michel Dulac fait en effet partie de la purge opérée dans le partie au même titre que l’ancienne patronne fédérale du RN, Michèle Morel, Christophe Boudot, Alain Pechereau et Damien Monchau. Joncour à accepter de répondre au Progrès sur ces tensions. Elle écarte ces reproches, affirme que Marine Le Pen lui a renouvelle sa confiance et estime que ses détracteurs sont motivés par la jalousie. Elle met en avant la hausse des adhésions et assure que la fédération se porte très bien.
Mais cette normalisation affichée se heurte à un autre élément central, régulièrement pointé par ses opposants : son environnement politique et personnel.
L’enracinement identitaire : la faille qui fragilise le récit RN à Lyon
Derrière la candidate lisse, l’ancrage identitaire reste omniprésent. Le 20 juin à Meyzieu, lors d’une session de collage nocturne, Tiffany Joncour est aperçue parmi plusieurs militants de la mouvance identitaire lyonnaise, dont Victor Guy, porte-parole des Remparts, groupuscule dissous pour incitation à la haine raciale. Plusieurs témoins affirment qu’elle était présente mais tentait de rester en retrait.
Ce lien est loin d’être anecdotique : son mari, Maxime Gaucher, surnommé « Merc », figure de l’ultra-droite lyonnaise, est un ancien membre de Rebeyne et participant à l’occupation de la mosquée de Poitiers en 2012. Condamné pour violences, connu des milieux hooligans et des groupuscules identitaires, il demeure, selon plusieurs sources locales, toujours connecté aux réseaux extrémistes de la région : Clément Gandelin, Adrien Ragot, Sinisha Milinov…
Cette proximité, soigneusement évitée dans la communication officielle, démontre que la normalisation sémantique du RN n’efface pas sa continuité organique avec l’extrême droite radicale lyonnaise.
Une campagne localement puissante mais politiquement fragile
Les premiers sondages internes montrent que le RN pourrait dépasser les 30 % dans plusieurs circonscriptions périphériques de la Métropole. Tiffany Joncour affirme pouvoir devenir « le premier groupe à la Métropole » en 2026. Cette dynamique s’appuie sur un rejet croissant des politiques écologistes mais aussi sur un discours sécuritaire omniprésent, particulièrement audible dans l’est lyonnais.
Pourtant, cette ascension reste fragile, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la contradiction entre respectabilité affichée et enracinement identitaire tout en choisissant une stratégie de victimisation. Si cette stratégie peut sembler efficace à court terme, elle potentiellement contre-productive face à un électorat lyonnais traditionnellement méfiant envers les extrêmes.
Ensuite, le scandale lié à des affiches diffamatoires collées par des anciens du GUD durant la campagne législative contre le candidat Insoumis, Victor Prandt, pourrait lui porter préjudice, même sim l’affaire semble au point mort, malgré quatre plaintes qui auraient été déposées.
Dans une ville où l’extrême droite a longtemps été marginale, l’implantation actuelle du RN repose sur un équilibre instable, nourri autant par la radicalité historique de ses réseaux que par son ambition de normalisation.
À Lyon, avec Joncour, le parti fait toutefois le choix de la radicalité. Le boycotte d’une journaliste de Rue89Lyon qui s’est vu refuser l’entrée du meeting dimanche, le confirme. Un nouvel épisode de tensions entre le parti d’extrême droite et plusieurs médias locaux, qui interroge la place accordée au travail journalistique en période électorale.
Sources :
Tribune de Lyon, Street Press, Le Progres, Rue89Lyon.