Après avoir brandi la menace d’une délocalisation vers les États-Unis en raison de la hausse de l’impôt sur les sociétés, Bernard Arnault a finalement exclu cette hypothèse. Toutefois, cette annonce a soulevé des interrogations : LVMH pourrait-il réellement se passer du « Made in France » sans risquer de ternir son image de marque ? Maxime Koromyslov, professeur de marketing du luxe à l’ICN Business School, estime dans les colonnes de Marianne que « Du Vuitton ‘Made in USA’ paraîtrait incohérent ».
Le 28 janvier 2025, Bernard Arnault a exprimé son mécontentement face à l’augmentation de 40 % de l’impôt sur les sociétés pour les entreprises réalisant plus de trois milliards d’euros de chiffre d’affaires. Qualifiant cette mesure de « taxe du Made in France », il a mis en avant les avantages fiscaux des États-Unis, où les impôts vont descendre à 15 %, et où certains États subventionnent les ateliers de production.
Pourtant, dès le 31 janvier, le PDG de LVMH, groupe membre du Forum économique mondial a démenti toute intention de délocalisation. Selon Maxime Koromyslov, professeur de marketing du luxe à l’ICN Business School, cette déclaration relève davantage d’une stratégie de pression sur le gouvernement français que d’une véritable intention de départ.
Pourquoi LVMH ne peut pas abandonner le “Made in France” ?
LVMH est leader mondial du luxe, et son succès repose en grande partie sur l’image d’excellence associée au savoir-faire français. Selon Koromyslov, délocaliser entièrement la production à l’étranger, notamment aux États-Unis, risquerait d’affaiblir cette image.
Il souligne que les consommateurs de luxe accordent une importance particulière à l’origine du produit. Un sac Louis Vuitton affichant une étiquette « Made in USA » ou « Made in China » pourrait perdre en attractivité, comme c’est le cas dans l’horlogerie où le label « Swiss Made » reste un gage de qualité incontournable.
Par ailleurs, la fabrication de produits de luxe repose sur des artisans hautement qualifiés, dont la formation peut prendre plus de dix ans. Fermer des ateliers en France reviendrait à mettre en péril ces savoir-faire d’exception, un risque que LVMH ne peut pas se permettre.
Un modèle économique incompatible avec la délocalisation
Contrairement aux industries cherchant à réduire les coûts de production pour offrir des prix compétitifs, le luxe fonctionne différemment. Le prix d’un produit LVMH reste identique quel que soit son lieu de fabrication. Délocaliser ne permettrait donc pas de générer des marges supplémentaires significatives, mais pourrait au contraire entraîner une perte de confiance des consommateurs.
D’autant plus que les nouvelles générations de clients, notamment les millennials, attachent de plus en plus d’importance à l’écoresponsabilité et à la traçabilité des produits. Une étude de l’Institut Français de la Mode indique que 58,5 % des Européens préfèrent acheter des produits fabriqués dans leur pays. Dans ce contexte, le maintien du « Made in France » devient un véritable argument commercial.
Vers une expansion sans délocalisation ?
Si LVMH possède déjà des sites de production aux États-Unis, ils sont destinés à approvisionner le marché américain. Ouvrir de nouveaux ateliers sur place permettrait d’éviter les droits de douane que Donald Trump souhaite imposer aux entreprises étrangères, tout en conservant une production française pour les marchés européens et asiatiques, mais une délocalisation complète ne semble pas envisageable, d’après Koromyslov.
La stratégie de Bernard Arnault semble donc davantage orientée vers une expansion ciblée plutôt qu’une véritable délocalisation. Face à la pression fiscale, LVMH pourrait renforcer sa présence à l’international sans pour autant abandonner son ancrage français, garant de son prestige.