La 77e assemblée mondiale de la Santé s’est achevée samedi à Genève sans parvenir à un accord sur les pandémies, mais a apporté une série d’amendements au Règlement sanitaire international (2005) (RSI), alors que des manifestants se sont rassemblés devant le Palais des Nations, accusant l’OMS, l’agence des Nations unies affiliée au Forum économique mondial, de chercher à prendre du pouvoir au détriment des États.
C’est le président du Conseil européen et contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, le Belge Charles Michel, qui a évoqué pour la première fois la proposition d’un traité international sur les pandémies lors du Forum de Paris sur la paix en novembre 2020. Cette idée a été soutenue par les dirigeants du G7 le 19 février 2021. En décembre 2021, les États Membres de l’OMS ont décidé de lancer un processus mondial pour rédiger et négocier une convention, un accord ou un autre instrument international juridiquement contraignant, afin de renforcer la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies.
La première réunion de l’organe de négociation intergouvernemental chargé de travailler sur la rédaction et la négociation de ce traité a eu lieu le 24 février 2022 pour définir les méthodes de travail et les délais. Il est co-présidé par la Sud Africaine, Malebona Precious Matsoso, d’Afrique du Sud, et le néerlandais Roland Driece.
Les craintes d’un transfert de souveraineté
Cet instrument qui est présenté comme un outil contraignant pour lutter contre les inégalités mises en lumière par la crise du Covid-19 entre pays riches et pays pauvres pour répondre aux pandémies a été accusé par des personnalités comme Elon Musk, le Dr German Velasquez qui a été directeur du secrétariat de l’OMS pour la Santé publique, l’innovation et la propriété intellectuel, durant la pandémie H1N1, et le journaliste James Roguski, qui a d’ailleurs porté plainte contre l’OMS, craignant un transfert de souveraineté des Etats-membres, vers l’institution internationale.
Reculer pour mieux sauter ?
La 77e assemblée mondiale de la santé s’est donc achevée samedi à Genève sans parvenir à un accord contraignant. Des désaccords subsistent sur certains aspects clés, notamment le financement, les transferts de technologie et de savoir-faire, et l’accès aux traitements. Un article particulier, prévoyant un « système d’accès aux agents pathogènes et de partage des bénéfices », reste une source de tension.
Le Dr. Ashley Bloomfield, coprésident du groupe de travail sur les amendements au RSI, a noté que, bien qu’un petit nombre de pays aient exprimé des réserves, la grande majorité des États membres ont montré un fort soutien aux amendements.
Lors d’une longue réunion qui s’est déroulée mardi dernier, le représentant de l’Afrique du Sud du contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Cyril M. Ramaphosa, au nom des 47 pays de la région africaine de l’OMS, a déclaré qu’un accord ne serait significatif que s’il impliquait des changements fondamentaux. La Fédération internationale des fabricants et associations pharmaceutiques (IFPMA) a jugé essentiel de préserver l’écosystème de l’innovation, tandis que plusieurs ONG ont dénoncé la priorité donnée aux objectifs commerciaux au détriment de la santé.
Réforme du RSI
Toutefois l’OMS se félicite que « l’Assemblée mondiale de la santé, le rassemblement annuel de ses 194 pays membres, est parvenue à un consensus sur une série d’amendements cruciaux au Règlement sanitaire international (2005) (RSI) ». « Cette décision historique s’accompagne d’engagements fermes à finaliser les négociations sur un accord mondial sur la pandémie d’ici un an au plus tard. »
Plus de 300 amendements ont été voté afin de renforcer le règlement sanitaire international (RSI), dont la dernière mise à jour date de 2005. Ils introduisent notamment les notions d’équité et de solidarité, une gestion plus rapide des alertes sanitaires, et des mécanismes de financement et de suivi.
Le DG de l’OMS et contributeur du FEM, le Dr. Tedros, a salué la réforme du RSI, inspirée par les leçons tirées de la pandémie de COVID-19, Selon lui, cette réforme est une démonstration de la capacité des nations à surmonter leurs divisions pour trouver un terrain d’entente. « Le succès des amendements au RSI montre que, dans notre monde divisé, les pays peuvent encore se rassembler pour une cause commune, » a-t-il déclaré.
Extension du mandat de l’Organe Intergouvernemental de Négociation
Bien que l’accord mondial sur les pandémies ne soit pas encore finalisé, l’Assemblée mondiale de la santé a décidé d’étendre le mandat de l’Organe intergouvernemental de négociation (INB) jusqu’à la prochaine assemblée, prévue pour mai 2025. Dr. Tedros a exprimé sa confiance dans la capacité de l’INB à finaliser cet accord crucial dans les délais impartis, se laissant même la possibilité, si les progrès sont assez rapides, de convoquer une assemblée extraordinaire plus tôt pour finaliser l’accord.
Les protestations à Genève et aux Etats-unis
Le projet d’accord et la réforme du RSI a suscité des critiques extérieures. Des manifestants de l’OMS se sont rassemblés samedi devant le Palais des Nations, accusant l’agence de chercher à prendre du pouvoir au détriment des États. Donald Trump, ancien président des États-Unis, a critiqué ces négociations lors de la convention nationale du Parti libertarien. Il a promis que s’il était élu, il s’attaquerait à ces « monstruosités ».
Les cadres de l’OMS ont évoqué en conférence de presse les protestations et la désinformation entourant les décisions de l’OMS. Dr. Mike Ryan, directeur exécutif du programme des urgences de l’OMS, a insisté sur l’importance de maintenir un dialogue basé sur des faits et de respecter les diverses opinions tout en rejetant les manipulations et les fake news. « Ce que nous voulons, c’est un débat basé sur les faits et de bonnes informations, » a déclaré Dr. Ryan.
Toujours est-il que l’OMS a bien renforcé son pouvoir avec la réforme du RSI, même si elle est restée vague sur les amendements concernées et que les Etats membres ont également approuvé une résolution visant à accélérer les ripostes nationales et mondiales à la résistance aux antimicrobiens (RAM), dans le cadre du plan « Une seule Santé » qui lui donne encore de nouvelles prérogatives supranationales, notamment conçernant les programmes de vaccination.