Le média Slate, détenu depuis 2017 par le groupe d’investissement Edmond de Rothschild, membre du Forum économique mondial, a publié ce dimanche 19 octobre un article au titre pour le moins surprenant : « Non, Hugo Boss n’était pas le tailleur des nazis. »
Le site y affirme que si l’entreprise du couturier allemand a bien fabriqué des uniformes pour les SS et d’autres unités du Troisième Reich, Hugo Ferdinand Boss lui-même n’en aurait pas conçu les modèles. « La nuance est de taille », écrit Slate.
Si Ferdinand Hugo Boss était loin d’être le principal fournisseur d’uniformes du régime, il est désormais indéniable qu’il a joué un grand rôle durant la seconde guerre mondial et l’angle choisi par nos confrères nous semble étonnant.
L’article de Slate, un angle discutable
Slate s’évertu à précisé que contrairement à une idée reçue, Hugo Ferdinand Boss, fondateur de la marque éponyme, n’a pas conçu les uniformes nazis, même si le média reconnait qu’il en a produit une partie dans ses ateliers. Il souligne que l’entreprise de confection créée en 1924 par Hugo Boss a connu des difficultés financières avant de devenir, en 1931, fournisseur du parti nazi grâce à un intermédiaire et explique que Boss a adhéré au NSDAP la même année.
Nos confrères concèdent que son usine a fabriqué des chemises brunes pour les SA, des uniformes pour la SS, la Wehrmacht et les Jeunesses hitlériennes, mais insiste sur le fait que les modèles provenaient d’autres créateurs, notamment Karl Diebitsch et Walter Heck. Ils soulignent également qu’à partir de 1940, l’entreprise a eu recours au travail forcé de détenus, tout en réalisant des bénéfices importants. Ils précisent qu’Hugo Boss a été classé comme « suiveur » du régime nazi, et non comme collaborateur actif, lors de son jugement après guerre, même si de toute façon de nombreux chefs d’entreprises ont été blanchi par les américains pour contribuer au « miracle allemand » et montrer que leur système était meilleur que le système soviétique.
En 1946, la commission déndénazification avait d’ailleurs classé Hugo Ferdinand Boss comme “activiste, soutien et bénéficiaire du nazisme”. Il écopa d’une forte amende, se vit interdit de diriger sa propre entreprise et perdu temporairement ses droits civiques. Ce n’est qu’en appel que Boss obtint un reclassement plus clément en catégorie des simples « suiveurs » (Mitläufer), ce qui lui permis d’échapper à la ruine totale
Slate précise ensuite que l’entreprise s’est reconvertie dans la confection d’uniformes pour les forces françaises, avant de devenir une marque de mode internationale dans les années 1960.
L’article martèle que dire qu’Hugo Boss était « le tailleur d’Hitler » est historiquement faux et occulte la responsabilité d’autres entreprises textiles ayant aussi collaboré avec le régime. Il précise également qu’en 2011, la marque a présenté des excuses officielles pour son implication et l’usage du travail forcé sous le nazisme.
L’enquête de l’Historien Joachim Scholtyseck
Cette même année, l’entreprise a commandé une enquête à l’Historien, Joachim Scholtyseck, professeur à l’université de Bonn, pour faire la lumière sur le rôle joué par Hugo Boss durant le régime nazi. L’Historien qui a participé à la réunion du groupe Bilderberg de 2011 à alors publié l’ouvrage « Hugo Boss 1924-1945 : Une usine de confection à l’époque du national-socialisme », édité par la maison d’édition C.H. Beck Verlag, avec la collaboration du groupe Hugo Boss.
Ce livre revenait sur la rumeur persistante selon laquelle le fondateur de la marque aurait été le « couturier préféré d’Hitler », et avait pour objectif de rétablir les faits alors que le groupe avait attendu plus de 60 ans pour faire son méta culpa.
Il est confirmé que l’entreprise Hugo Boss avait prospéré grâce à sa collaboration active avec le régime et à l’exploitation de travailleurs forcés. Il est notamment indiqué que l’adhésion politique de Hugo Boss au parti national socialiste avant même l’arrivée de Hitler a permi de développer rapidement son entreprise, qui comptait alors environ 150 employés, en devenant fournisseur agréé des uniformes paramilitaires. Cette collaboration entraîna une expansion fulgurante de la société durant le conflit est-il précisé.
Il est toutefois exact qu’Hugo Boss n’a pas conçu les modèles iconiques des SS : ces designs sont bien attribués à Karl Diebitsch et Walter Heck, graphistes et artistes affiliés au parti nazi.
Aini, on ne peut que s’étonner de l’angle choisi par Slate qui joue avec les mots car il n’est pas inexact de dire que Hugo Boss fut le « tailleur des nazis » au sens industriel du terme : son entreprise a massivement fabriqué leurs uniformes et prospéré grâce à cette collaboration, même s’il n’en fut pas le créateur artistique. D’autant plus que l’entreprise aura mis plus de soixante ans pour revenir sur son passé nazi.
Le rapport Scholtyseck conclut d’ailleurs que Ferdinand Hugo Boss n’était “clairement pas hostile” au régime et qu’il adhérait à sa politique, quelquesoit les chipotages de Slate. Une conclusion que l’on peut d’ailleurs soupçonnée d’être sous estimée lorsque l’on sait que le groupe Bilderberg comptait parmi ses co-fondateurs le Prince Bernhard des Pays-Bas, nazi de la première heure et que de nombreux nazis ayant participé à ses réunions ont eu des carrières politiques en RFA, comme Walter Hallstein ou Kurt Georg Kiesinger, qui accédasse même au poste de chancelier.
On peut également souligner que la famille de Rotschild propriétaire de Slate est habituée des réunions du groupe Bildeberg. Évelyn de Rothschild, Évelyn ayant participé à ses réunions entre 1980 et 1990, tandis que David de Rothschild, y a participé dans les années 2000.
Sources :
Slate, DNA, Base de donnée des participants au réunions du groupe Bilderberg de l’universitaire Allemand Zielinsky.