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Ethel et Julius Rosenberg. Photo : @Roger Higgins

Les époux Rosenberg : Une affaire d’espionnage au cœur de la Guerre froide

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Ethel et Julius Rosenberg, un couple new-yorkais d’origine juive, restent des figures emblématiques de la Guerre froide. Accusés d’espionnage au profit de l’Union soviétique, ils sont arrêtés en 1950 et exécutés en 1953, marquant une période de tensions politiques et idéologiques intenses aux États-Unis. Retour sur cette affaire complexe et controversée.

L’arrestation des Rosenberg intervient dans un contexte de guerre idéologique entre les États-Unis et l’Union soviétique. Après la Seconde Guerre mondiale, la découverte par l’URSS de la bombe atomique en 1949 suscite l’inquiétude américaine. L’enquête sur l’espionnage atomique mène à David Greenglass, frère d’Ethel Rosenberg, qui accuse son beau-frère Julius de l’avoir recruté pour transmettre des informations sensibles aux Soviétiques.

En pleine période de maccarthysme, cette « chasse aux sorcières » anticommuniste orchestrée par le sénateur Joseph McCarthy renforce l’hostilité envers les Rosenberg, tous deux membres actifs du Parti communiste américain.

La divulgation d’informations stratégiques ?

Selon l’historien Ronald Radosh, les époux Rosenberg ont été accusés d’avoir transmis aux Soviétiques une grande quantité de documents secrets importants, notamment les « proximity fuse » qui permirent d’abattre le U-2 de Gary Powers, un avion espion américain, abattu par les soviétiques.

L’espionnage aurait commencé en 1944 pendant la seconde guerre mondiale. À partir de 1942, bien que Julius Rosenberg ne soit pas encore membre du parti communiste américain, il percevait l’URSS comme le principal allié européen de « la race juive » face à Hitler. Il ne comprenait pas la réticence des États-Unis à soutenir massivement l’URSS ni le retard de l’administration Roosevelt dans l’ouverture d’un second front, demandé avec insistance par Staline jusqu’en 1944.

Le procès : un climat de suspicion

Le procès des époux Rosenberg, mené par le procureur Roy Cohn, futur avocat de Trump, est marqué par des témoignages controversés, notamment ceux de David et Ruth Greenglass. Le premier était un ancien mécanicien des usines atomiques de Los Alamos, au Nouveau-Mexique. Greenglass avouera avoir reçu de l’argent de l’espion Harry Gold en échange de renseignements concernant les projets des usines de Los Alamos.

Alors jeune procureur de 23 ans, Cohn a joué un rôle central dans le procès des époux Rosenberg en collaboration avec Irving H. Saypol, le procureur général, réputé pour être « la terreur des rouges  » et le juge Irving Kaufman. Proche des milieux maccarthystes, il a utilisé des pratiques controversées, notamment des communications privées avec le juge Kaufman pour influencer le verdict, ce qui était considéré comme normal à l’époque.

Il a toutefois admis avoir exercé des pressions pour obtenir la condamnation à mort de Julius Rosenberg et pour qu’Ethel soit également exécutée, malgré des preuves faibles. Sur les 118 témoins cités par l’accusation, seuls 23 ont comparu, dont seulement trois ont lié les Rosenberg à l’espionnage.

Malgré l’absence de preuves matérielles concluantes, les Rosenberg ont été jugés coupables de « conspiration en vue d’espionnage ». Le juge Irving Kaufman a finalement prononcé la peine de mort, justifiant cette décision par l’impact supposé de l’espionnage sur la guerre de Corée et les pertes humaines américaines. Ils furent jugés coupables le 5 avril 1951 et exécutés sur la chaise électrique le 19 juin 1953 dans la prison de Sing Sing. La sentence qui a été décidée avant le procès par le juge Kaufman en concertation avec le FBI, a choqué l’opinion publique internationale, de nombreux intellectuels et personnalités dénonçant une erreur judiciaire et une condamnation politique.

L’Union soviétique a accusé les États-Unis de fascisme et d’antisémitisme, au moment même où éclatait l’affaire tournant autour d’un complot de médecins soviétiques, en majorité juifs, accusés en janvier 1953 d’avoir assassiné deux dirigeants soviétiques et d’avoir prévu d’en assassiner d’autres. L’enquête fut abandonnée deux mois après la mort de Staline. L’affaire dite des Blouse-Blanche fut alors considérée comme une machination montée de toutes pièces par le NKVD pour le régime stalinien.

Les révélations postérieures : des preuves accablantes et des doutes persistants

Avant son exécution, Ethel Rosenberg a clamé son innocence et celle de son mari dans un courrier. « Mon mari et moi sommes innocents, nous ne pouvions trahir notre conscience », a-t-elle déclaré, précisant qu’on leur avait proposé la vie sauve en échange d’aveux. « Aucune puissance ne nous séparera dans la vie ou dans la mort », ajoutait-elle.

Des décennies après leur exécution, des documents déclassifiés par la CIA, notamment ceux du projet Vérona, les efforts des services de renseignement américains pour tenter de casser les codes des communications des services de renseignement soviétiques, émises de 1940 à 1948, confirmeront l’implication de Julius Rosenberg. Toutefois, Ethel Rosenberg semble avoir joué un rôle mineur, voire inexistant, dans ces opérations.

Aaron Katz, président du National Committee to Reopen the Rosenberg Case affirme quant à lui que les documents du projet Venona, impliquant les Rosenberg, pourraient être des fabrications, car ils présentent des incohérences de dates et de contenu.

Un événement marquant des années 1990 fut la reconstitution du procès des Rosenberg par l’Association des juristes américains lors de sa convention annuelle, les 9 et 10 août 1993. Devant un public composé majoritairement d’avocats et de magistrats, le verdict rendu fut unanime : « non coupables ».

Un symbole de la Guerre froid

Le sort tragique des Rosenberg continue de diviser. Pour certains, ils sont des traîtres ayant nui à la sécurité nationale américaine. Pour d’autres, ils sont des victimes d’une période marquée par l’intolérance et la peur. Leur histoire illustre les tensions de la Guerre froide et les dérives d’une justice influencée par des enjeux idéologiques. Les époux Rosenberg restent officiellement, les seules personnes condamnées à mort puis exécutées pour espionnage dans le monde occidental après la fin de la Seconde Guerre mondiale dans le contexte de guerre froide. Leur condamnation reste avec  sans nul doute, l’une des plus controversée du XXe siècle aux Etats-unis, avec celle des anarchistes Italiens, Sacco et Vanzetti, qui fut également sujette à controverses.

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