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Le temps de travail d’un ouvrier au Moyen Âge : l’exemple des maçons de la cathédrale de Rouen

Le compte X Actuel Moyen Age évoque un document administratif de la seconde moitié du XVe siècle, conservé dans les archives de la cathédrale Notre-Dame de Rouen, qui apporte un éclairage rare sur l’organisation du travail dans le secteur du bâtiment à la fin du Moyen Âge. Intitulé « La manière et l’ordonnance dont les maçons de Notre-Dame de Rouen doivent travailler », ce texte réglemente de manière précise la répartition du temps de travail, les pauses quotidiennes, le calendrier hebdomadaire et les jours chômés des ouvriers affectés au chantier de la cathédrale.

Selon ce document, la journée de travail débute à l’aube, au moment de la messe de matines. Celle-ci a lieu vers 5 h 30 en été et 7 h en hiver. Les ouvriers doivent alors se présenter à la loge de la fabrique pour y être enregistrés par le maître d’œuvre avant d’être affectés à leur poste. Le premier segment de travail dure entre deux et trois heures, selon la saison. Il est suivi d’une première pause dite de « déjeuner », d’une durée fixe d’une demi-heure. Lorsque le chantier est trop éloigné de la loge, les ouvriers sont autorisés à rester sur place pour cette pause, ce que le texte qualifie de « faire sa pause sur la pierre ».

La reprise s’effectue ensuite jusqu’à midi, moment d’une nouvelle pause, celle du dîner. Elle varie selon la saison : une heure et demie en été, une demi-heure en hiver. L’après-midi s’organise en une session de travail d’environ trois heures, parfois interrompue par une pause appelée « vin de none », laquelle est cependant supprimée en automne et en hiver du fait de la tombée plus rapide de la nuit.

La fin de journée n’est pas strictement définie mais laissée à l’appréciation du maître d’œuvre. Celui-ci doit tenir compte de la nature des tâches en cours : il est interdit de commencer une opération longue ou technique en fin de journée, notamment la préparation de mortier, même s’il faut également éviter de ne pas terminer une tache amorcée . Le rythme est donc flexible, mais toujours encadré. En cas de dysfonctionnement de l’horloge municipale, les horaires sont régulés par les cloches de la cathédrale.

Le rythme hebdomadaire prévoit cinq jours et demi de travail. Le samedi, les ouvriers cessent leur activité à midi, mais la journée est rémunérée comme un jour complet. Par ailleurs, le calendrier annuel intègre un grand nombre de jours fériés, principalement religieux. On en dénombre environ 64, auxquels s’ajoutent des interruptions pour fêtes de métiers, comme celle dite du « mouton de l’Ascension », ou pour célébrer l’achèvement de certaines étapes complexes du chantier. Dans ces cas, une demi-journée est chômée, mais rémunérée.

Le texte mentionne également des adaptations spécifiques : le vendredi saint, les ouvriers ne travaillent que l’après-midi ; la veille de Pâques, la journée s’interrompt dès 16 h. Les fêtes majeures du calendrier chrétien, telles que Noël, Pâques ou la Pentecôte, entraînent des pauses de cinq à sept jours, non rémunérées, mais elles s’accompagnent de journées allégées la veille, avec maintien du salaire.

En pratique, il ressort de l’analyse de ces règles que l’année de travail d’un maçon comptait environ 2559 heures en 1485, soit une moyenne de 44 heures hebdomadaires. Ce volume est inférieur à celui enregistré pour les ouvriers du bâtiment au XIXe siècle, qui travaillaient en moyenne 3000 heures par an. Par ailleurs, seules treize semaines par an respectent un rythme complet de cinq jours et demi. Les trois quarts de l’année sont donc constitués de semaines allégées à quatre ou quatre jours et demi.

Ce document permet de relativiser les représentations modernes du travail au Moyen Âge. Il révèle une organisation précise, codifiée, dans laquelle les ouvriers bénéficient d’un équilibre entre activité, pauses et jours chômés, en lien étroit avec le cycle liturgique. Bien que cette source ne permette pas de généraliser à l’ensemble du royaume ou à d’autres professions, elle constitue un témoignage direct du cadre de travail dans une grande ville épiscopale de la fin du XVe siècle.

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