La haut fonctionnaire à l’origine de l’enquête visant Édouard Philippe et son entourage au Havre a déposé une plainte avec constitution de partie civile. Elle réclame la désignation d’un juge d’instruction pour instruire des faits présumés de harcèlement moral, favoritisme et détournement de fonds publics.
La tension monte d’un cran dans l’affaire judiciaire qui éclabousse l’ancien Premier ministre et actuel maire du Havre, Édouard Philippe. Le 20 juin 2025, une plainte avec constitution de partie civile a été déposée auprès du tribunal judiciaire de Paris par une ex-directrice générale adjointe de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole. Cette démarche vise à obtenir la nomination d’un juge d’instruction et marque une nouvelle étape dans une procédure déjà bien entamée.
Depuis septembre 2023, le Parquet national financier enquête sur des accusations de prise illégale d’intérêts, favoritisme, harcèlement moral et détournement de fonds publics. Ces accusations concernent Édouard Philippe, son adjointe à l’innovation et au numérique Stéphanie de Bazelaire, ainsi que la directrice générale des services Claire-Sophie Tasias. Des perquisitions ont déjà eu lieu en avril 2024 au sein des locaux municipaux.
Une convention à 2,15 millions d’euros au cœur des soupçons
Au centre de la plainte : une convention signée en juillet 2020 entre la communauté urbaine et l’association LH French Tech, présidée par Mme de Bazelaire. Cette structure devait gérer la Cité numérique du Havre, moyennant une compensation publique de 2,154 millions d’euros sur quatre ans. L’ex-directrice générale adjointe de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole, alors chargée du dossier, affirme avoir alerté en interne dès 2020 sur la mauvaise gestion financière de l’association. La convention a finalement été rompue de manière anticipée en juin 2022.
Dans une note adressée à Édouard Philippe en septembre 2022, la plaignante signalait des « risques juridiques et pénaux », liés notamment au cumul de fonctions de Mme de Bazelaire, à l’origine également d’une vente de start-up à une société devenue par la suite prestataire de LH French Tech. Elle dénonce un possible pacte d’intérêts croisés.
Statut de lanceuse d’alerte et gestion contestée de l’École 42
Depuis janvier, l’ex DG adjointe de la collectivité bénéficie du statut de lanceuse d’alerte, reconnu par le Défenseur des droits. Sa plainte soulève d’autres éléments, comme des marchés publics passés sans appel d’offres et la situation jugée irrégulière de l’École 42, fondée par Xavier Niel, hébergée dans la Cité numérique sans bail signé en 2023. La directrice de l’école conteste toute irrégularité, tandis que Xavier Niel a décliné tout commentaire, affirmant « ne rien savoir » sur l’établissement havrais.
Une affaire à suivre dans un contexte préélectoral
Alors qu’Édouard Philippe a officialisé sa candidature à l’élection présidentielle de 2027, l’avocat de la plaignante, Jérôme Karsenti, interroge la capacité de la justice à agir avec indépendance dans ce « contexte préélectoral ». L’enquête préliminaire du Parquet national financier est toujours en cours.
Source : Le Monde.