Invité sur LCI, Luc Ferry a vivement dénoncé ce dimanche 23 novembre les propos du général Fabien Mandon qui, devant les maires de France, alertait sur l’éventualité d’un conflit futur avec la Russie. Le philosophe et ancien ministre a livré un long développement, mêlant critique du discours militaire, rétablissement des faits concernant la guerre du Donbass et accusation d’instrumentalisation politique.
Le débat s’est rapidement enflammé sur le plateau de LCI. Quelques jours après le discours du général Fabien Mandon prononcé le 19 novembre au congrès des maires de France, où le chef d’état-major des armées évoquait sans détour la possibilité d’un futur affrontement avec la Russie, Luc Ferry a rejeté en bloc cet appel à la préparation psychologique du pays. Le ton, d’emblée frontal, a surpris jusque dans les rangs de la chaîne. « Il faut débrancher le déconomètre ! », a-t-il lancé, dénonçant un discours qu’il juge « délirant », destiné selon lui à combler un « vide de la vie politique » plutôt qu’à éclairer l’opinion. L’ancien ministre a même accusé le Chef d’Etat major d’être « en mission secrète pour l’Elysée ».
L’ancien ministre a ensuite déroulé une critique plus profonde, estimant que ce type d’avertissement militaire attise inutilement la peur. « Une guerre avec la Russie, c’est quoi ? 400 millions de morts ? On est malades ! », a-t-il martelé, affirmant qu’il n’enverrait « jamais » ses enfants se battre pour défendre l’Ukraine. Mais c’est lorsque l’échange a glissé vers l’histoire récente du Donbass que Luc Ferry a véritablement pris son élan.
Ferry a rappelé que « la guerre ne commence pas en 2022 mais en 2014 », au moment de la révolution de Maïdan et de la chute du contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Viktor Yanukovych, qu’il qualifie de « coup d’État ». Il a soulign » que c’est alors que les républiques autoproclamées de Donetsk et de Luhansk avaient résisté à la décision de Kiev de retirer le statut officiel au russe, présentant ce choix linguistique comme l’étincelle qui aurait poussé les populations russophones à se déclarer séparatistes. L’ancien ministre a critiqué l’offensive ukrainienne lancée fin 2014 et contre les milices présentes sur le terrain, évoquant notamment le bataillon Azov, à la triste réputation et les 14 4000 morts de la guerre du Donbass.
Le philosophe a soutenu que Moscou n’avait fait qu’« intervenir pour protéger les communautés russophones » après des années d’affrontements meurtriers dans le Donbass. Ferry affirme que « l’agression n’est pas russe, absolument pas », avant de reprocher aux médias et responsables occidentaux d’« effacer la réalité historique ».
Son discours a ensuite pris une tournure plus large, accusant les États-Unis d’avoir, depuis 1991, alimenté systématiquement des « campagnes électorales anti-russes » et contribué à façonner une représentation de Moscou comme menace structurelle. Selon lui, cette mécanique aurait poussé l’Europe à « s’inventer un ennemi », inspirée par la logique schmittienne d’un adversaire fédérateur. Il convoque même l’histoire de l’antisémitisme nazi pour illustrer la manière dont, selon lui, la figure de l’ennemi peut être construite politiquement.
Luc Ferry a également évoqué Vladimir Poutine, affirmant que son « rêve absolu » aurait été, au début des années 2000, de rapprocher la Russie de l’Union européenne, et que ce serait l’Occident qui aurait « rejeté » Moscou vers la Chine. Il cite Edgar Morin et Hubert Védrine pour appuyer cette thèse, estimant que la paix aurait pu être préservée si les accords de Minsk avaient été appliqués avec rigueur.
L’ancien ministre a enfin conclu sur une critique acerbe du discours militaire occidental : pour lui, l’armée a structurellement « besoin de la guerre pour exister » et l’exécutif exploiterait l’angoisse stratégique faute de projet politique. Il répète que seule « la paix est la solution », tout en prédisant que la Russie continuerait d’avancer « jusqu’à Kiev » si aucun accord n’était trouvé, et que l’Europe s’expose à une catastrophe en refusant d’envisager la négociation.
LCI – Retranscription fournie de l’intervention de Luc Ferry (extraits intégrés).