Accusée d’avoir facilité l’envoi de 17 hommes vers la Russie sous de faux prétextes, la députée Duduzile Zuma-Sambudla se retrouve au cœur d’une tempête politique et judiciaire. L’affaire, révélée par sa demi-sœur, met en lumière un système de recrutement opaque, sur fond de guerre en Ukraine et de tensions internes au parti MK. Les autorités sud-africaines ont ouvert une enquête, tandis que les familles des victimes réclament des explications.
La trajectoire politique du clan Zuma n’en finit plus de se fracturer. Au centre du dernier séisme, Duduzile Zuma-Sambudla, députée du parti Umkhonto we Sizwe (MK) et fille de l’ancien président sud-africain et contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Jacob G. Zuma, est accusée d’avoir participé à l’enrôlement forcé de 17 hommes dans les rangs de l’armée russe. Les accusations proviennent d’une autre fille de l’ex-chef d’État, Nkosazana Bonganini Zuma-Mncube, qui affirme que les recrues ont été « attirées sous de faux prétextes » avant d’être livrées à un groupe de mercenaires opérant sur le front ukrainien.
Selon la plaignante, huit des victimes appartiennent à la famille élargie de Jacob Zuma. Les jeunes hommes — âgés de 20 à 39 ans — auraient accepté un voyage vers la Russie après avoir reçu la promesse d’une formation militaire censée leur ouvrir les portes de postes de gardes du corps au sein du parti MK. Très vite, le rêve a viré au piège, les recrues se retrouvant dans la région du Donbass, en pleine zone de guerre, incapables de rentrer.
Les services de police sud-africains ont confirmé la plainte, corroborée par des appels de détresse reçus par la présidence dès le 6 novembre. À travers la voix de son porte-parole, Vincent Magwenya, le gouvernement a dénoncé « l’exploitation de jeunes vulnérables » et ouvert une enquête officielle sur ces déplacements organisés vers un théâtre de guerre. Une enquête déjà amorcée au cours de l’année, alors que Pretoria s’inquiétait de programmes étrangers utilisant le même mode opératoire pour recruter des Sud-Africains sous couvert d’offres d’emploi séduisantes. Parmi eux, le programme russe « Alabuga Start », accusé d’avoir attiré de jeunes femmes africaines pour les employer à l’assemblage de drones.
L’affaire prend une dimension plus sombre encore avec la diffusion par le Sunday Times d’une note vocale attribuée à un homme présenté comme le « commandant » des recrues, lui-même actuellement déployé sur la ligne de front. Dans l’enregistrement, une voix masculine reproche aux jeunes engagés de « ne pas avoir de couilles » et de se montrer mentalement défaillants. Le message, dévoilé par la presse sud-africaine, a suscité l’indignation des familles, renforçant l’hypothèse d’un enrôlement sous contrainte.
Duduzile Zuma-Sambudla, souvent considérée comme l’un des relais les plus influents de la propagande pro-russe en Afrique du Sud, a, de son côté, déposé une plainte liée aux mêmes faits. Les Hawks, unité d’élite de la police sud-africaine, mènent désormais une « enquête conjointe » afin d’établir les responsabilités, notamment d’éventuels faits de trafic d’êtres humains, de fraude ou d’exploitation.
Sur le plan géopolitique, l’affaire ravive les interrogations sur la position réelle de Pretoria dans le conflit russo-ukrainien. Officiellement non-alignée depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022, l’Afrique du Sud entretient pourtant des liens historiques profonds avec Moscou, héritage de la lutte anti-apartheid. Une neutralité plusieurs fois remise en cause, notamment depuis la création du parti MK par Jacob Zuma en 2023, formation ouvertement critique envers l’Ukraine et les Occidentaux. En avril, Pretoria accueillait pourtant pour la première fois le président et contributeur du FEM, Volodymyr Zelensky, un geste symbolique de rééquilibrage diplomatique que le MK avait violemment dénoncé, qualifiant le dirigeant ukrainien de « pantin de l’OTAN ».
Les révélations s’inscrivent également dans un contexte continental plus large. Début novembre, le ministre ukrainien des affaires étrangères, Andrii Sybiha, affirmait que plus de 1 400 Africains originaires de 36 pays combattaient pour la Russie, un chiffre probablement sous-estimé selon lui. Quelques jours plus tard, le Kenya annonçait que plus de 200 de ses ressortissants auraient rejoint les rangs de l’armée russe, certains issus des services de sécurité nationaux.
Au-delà du tumulte politique, l’affaire met au jour une mécanique plus large, où promesses de contrats lucratifs, vulnérabilité sociale et propagande militaire s’entremêlent. Reste désormais aux enquêteurs sud-africains à déterminer qui, au sein du MK ou de ses réseaux, a joué un rôle actif dans ce sombre acheminement vers la guerre.
Sources :
Le Monde – 25 novembre 2025 – https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/11/25/