Alors que les Forces de soutien rapide (FSR) ont pris le contrôle d’El-Fasher, dernière grande ville du Darfour, les témoignages de survivants décrivent un déchaînement de violences contre les civils. En parallèle, plusieurs rapports confirment le soutien militaire massif des Émirats arabes unis au groupe paramilitaire, sans lequel la guerre “serait déjà terminée”.
Le 26 octobre 2025, la ville d’El-Fasher, dernier bastion du Darfour encore tenu par l’armée soudanaise, est tombée aux mains des Forces de soutien rapide (FSR). En quelques heures, les rues se sont transformées en champs de bataille et les hôpitaux en scènes d’horreur.
À mesure que les civils fuient, les récits qui émergent dressent un tableau glaçant du carnage orchestré par la milice dirigée par Mohamed Hamdane Dagalo, dit Hemeti.
Selon les témoignages recueillis par The Guardian, plus de 2 000 civils auraient été tués depuis la chute d’El-Fasher. Des vidéos transmises aux Nations unies montrent des hommes désarmés exécutés à bout portant. Des images satellites analysées par le Humanitarian Research Lab (HLR) révèlent des amas de corps et des traces de sang visibles depuis l’espace.
Sur les routes de l’exode, les survivants racontent l’indicible. Adam Yagoub, chauffeur originaire de Sennar, explique avoir échappé de justesse à une décapitation. Les civils qui parviennent à rejoindre Tawila, à 55 kilomètres à l’ouest d’El-Fasher, décrivent des scènes de pillages, de viols et d’exécutions. Des survivants affirment que les FSR exigent des rançons allant jusqu’à 14 000 euros pour relâcher leurs prisonniers, parmi lesquels des anciens soldats ou de simples civils accusés de soutenir l’armée soudanaise. Ceux qui ne peuvent payer sont emprisonnés, torturés ou exécutés.
À Garney, les détenus affamés reçoivent un mélange d’eau et de farine pour survivre. Les femmes et les enfants sont séparés des hommes, soupçonnés d’être des combattants. D’après Médecins sans frontières (MSF), plus d’un millier de réfugiés sont arrivés à Tawila “dans un état de faiblesse extrême, souffrant de dénutrition et de déshydratation”.
Le rôle délétère des Émirats arabes unis.
Cette nouvelle vague d’atrocités ne peut être dissociée du rôle des Émirats arabes unis (EAU) dans le conflit. D’après des renseignements américains cités par The Wall Street Journal, Abou Dhabi aurait fourni aux FSR des drones chinois, des armes britanniques, des véhicules et des munitions, en violation des embargos internationaux. Les cargaisons transiteraient par la Somalie et la Libye, tandis que les FSR, affaiblies au début du conflit, auraient pu reprendre l’avantage grâce à ces livraisons massives.
Pour le chercheur Cameron Hudson du Center for Strategic and International Studies (CSIS), le constat est sans appel :
“La guerre serait finie sans les Émirats arabes unis. Le seul élément qui maintient les FSR sur le terrain, c’est leur soutien militaire massif.”
Les FSR bénéficient également d’un appui économique : une grande partie de l’or soudanais transite par Dubaï, et Hemeti aurait tissé des liens étroits avec le pouvoir émirati, notamment avec le vice-président Mansour ben Zayed.
Cette implication nourrit aujourd’hui une crise humanitaire d’une ampleur inédite. Selon les estimations des Nations unies, la guerre au Soudan a déjà fait plus de 150 000 morts, déplacé 12 millions de personnes et plongé 25 millionsd’habitants dans une situation de famine aiguë.
Une menace pour tout le continent africain
Au-delà du Darfour, le conflit alimente une prolifération d’armes sophistiquées sur tout le continent africain. Le quotidien burkinabè Le Pays alerte sur la création de “couloirs d’acheminement” reliant la Libye, le Tchad et l’Afrique de l’Ouest, véritables routes de contrebande militaire qui fragilisent déjà plusieurs États.
Alors que Hemeti promet de “punir les coupables d’exactions”, les rescapés, eux, n’ont guère d’illusions. Pour eux, le soutien étranger, la terreur des milices et l’indifférence internationale prolongent un drame humain devenu, selon les mots d’un réfugié, “un enfer sans fin sur une terre oubliée”.
Sources :
Courrier international – Au Soudan, “la guerre serait finie sans le soutien militaire massif des Émirats arabes unis” (29 octobre 2025) – courrierinternational.com
The Wall Street Journal – UAE’s Arms Shipments Sustain Sudan’s Paramilitary Forces (octobre 2025)
The Guardian – UN receives evidence of Emirati arms deliveries to Sudanese RSF (octobre 2025)
Middle East Eye – How UAE weapons networks fuel the Sudan war (janvier 2024)
Le Pays (Burkina Faso) – Soudan : un conflit qui fait trembler tout le continent (octobre 2025)
 
								 
															 
		 
							 
							