You are currently viewing Tunisie : Kaïs Saïed parie sur un rapprochement avec l’Iran, au risque de froisser Washington
Cette image a été générée à l'aide d'une intelligence artificielle. Elle ne constitue pas une photographie réelle de la scène ou de la personne représentée.

Tunisie : Kaïs Saïed parie sur un rapprochement avec l’Iran, au risque de froisser Washington

  • Auteur/autrice de la publication :
  • Post category:MONDE
  • Commentaires de la publication :0 commentaire

En supprimant les visas pour les ressortissants iraniens et en ouvrant une ligne aérienne directe avec Téhéran, le président tunisien Kaïs Saïed amorce un tournant diplomatique majeur. Si ce rapprochement vise à diversifier les alliances de la Tunisie, il suscite déjà des inquiétudes à Washington, principal partenaire sécuritaire du pays.

Depuis 2024, Kaïs Saïed multiplie les signaux d’ouverture envers l’Iran. Après une première rencontre avec l’ancien président Ebrahim Raïssi à Alger, le dirigeant tunisien s’était rendu à Téhéran en mai 2024 pour présenter ses condoléances après la mort du chef d’État iranien — une visite inédite dans l’histoire des relations entre les deux pays.

En février 2025, le rapprochement s’accélère : suppression des visas pour les Iraniens, semaine culturelle tuniso-iranienne à Ennejma Ezzahra, et communiqué officiel de soutien à la souveraineté iranienne après une attaque israélienne. Enfin, la visite du ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, à Tunis en septembre 2025, a scellé la décision d’ouvrir une ligne aérienne directe entre les deux capitales.

Des promesses économiques fragiles

Derrière les déclarations d’amitié, les perspectives économiques restent limitées. Les échanges commerciaux entre la Tunisie et l’Iran sont quasi inexistants, et aucune étude de faisabilité n’a encore été réalisée pour rentabiliser la future ligne aérienne.

Tunisair, déjà fragilisée par un déficit massif, peine à assurer ses dessertes régionales. Quant au tourisme, il reste marginal : les Tunisiens sont peu susceptibles de voyager en Iran, notamment en raison des restrictions américaines ou européennes liées aux séjours dans ce pays.

Un virage risqué pour les relations tuniso-américaines

Ce rapprochement inquiète particulièrement les États-Unis. L’Iran demeure un État paria aux yeux de Washington, et la Tunisie bénéficie toujours d’un soutien militaire et financier américain crucial.

En début d’année, le député républicain Joe Wilson avait d’ailleurs appelé à suspendre l’aide militaire à la Tunisie, accusant Kaïs Saïed de se rapprocher de régimes “hostiles” comme l’Iran, la Russie et la Chine. Sous la présidence Trump, tout signal d’alliance avec Téhéran pourrait donc être interprété comme une provocation.

Des tensions religieuses et culturelles internes

Ce rapprochement diplomatique touche aussi à des sensibilités identitaires. Majoritairement sunnite, la Tunisie a toujours observé le chiisme iranien avec méfiance.

La présence en 2025 à Tunis de l’ex-vice-présidente iranienne Ansieh Khazali, connue pour ses positions conservatrices sur les droits des femmes, a provoqué une vague d’indignation. Des universitaires et activistes y ont vu une menace pour les acquis du pays en matière de libertés et d’égalité, hérités de Bourguiba.

Une société civile vigilante face à la dérive autoritaire

Si la classe politique tunisienne reste silencieuse, la société civile s’organise : pétitions, tribunes et déclarations publiques dénoncent un rapprochement jugé contraire à “l’identité tunisienne”.

Beaucoup redoutent que cette ouverture vers des régimes autoritaires affaiblisse les relations historiques avec l’Europe et les États-Unis, principaux bailleurs de fonds de la Tunisie.

Une stratégie d’équilibre périlleuse

Kaïs Saïed mise sur une diversification des alliances pour renforcer la souveraineté tunisienne. Mais en misant sur Téhéran, il risque un isolement diplomatique et une perte de crédibilité sur la scène internationale.

Derrière le discours d’indépendance, ce virage pourrait coûter cher : baisse du soutien occidental, pressions économiques accrues et fragilisation du modèle laïc tunisien.

En ouvrant la porte à l’Iran, la Tunisie s’aventure sur une ligne de crête diplomatique. Un pari risqué, où chaque geste d’amitié envers Téhéran pourrait se traduire par un recul des alliances traditionnelles et une perte d’influence à long terme.

Source : Courrier international

Laisser un commentaire