En Géorgie, la tension politique s’est encore accentuée samedi 18 mai alors que le pays célébrait la « Journée de la pureté de la famille », événement soutenu à la fo is par l’Église orthodoxe géorgienne et le gouvernement. Cette manifestation traditionnelle, initialement conçue comme une fête religieuse et conservatrice, s’est tenue cette année dans un contexte de contestation des pro-européen qui battent le pavé depuis plusieurs semaines contre la loi sur la « transparence de l’influence étrangère ».
Des milliers de partisans du gouvernement ont investi le centre de Tbilissi lors de cette journée, arborant drapeaux nationaux et icônes religieuses. Les bus affrétés depuis plusieurs régions du pays pour acheminer les participants, ainsi que la mobilisation du clergé orthodoxe, ont illustré la profondeur de l’alliance entre pouvoir exécutif et Église dans ce moment de crispation nationale.
En parallèle, les opposants au projet de loi controversé sur la « transparence de l’influence étrangère » continuaient de défiler dans les rues de la capitale, comme l’ont fait les Hongrois ce dimanche. Les opposants dénoncent une manœuvre visant à museler les ONG, les médias et la société civile en s’inspirant de lois similaires en vigueur en Russie. Le texte, déjà adopté en deuxième lecture par le Parlement, continue de radicaliser les esprits et de faire descendre la population dans la rue.
Une fête conservatrice devenue arme politique
Depuis 2014, la « Journée de la pureté de la famille » est célébrée le 17 mai en Géorgie, date choisie en opposition à la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie. Instituée par l’Église orthodoxe après de violents affrontements entre militants LGBT+ et religieux en 2013, cette fête est devenue, au fil des années, un symbole de résistance aux valeurs libérales occidentales. Cette année, elle prend une dimension nouvelle, dans un climat de polarisation aiguë entre les forces pro-européennes, notamment mobilisées contre le projet de loi dit « russe ».
Le Premier ministre Irakli Kobakhidzé a salué l’événement comme un « moment d’unité nationale » à travers un message sur les réseaux sociaux, en y défendant la « structure traditionnelle de la famille géorgienne ». Cette rhétorique fait écho aux discours du parti au pouvoir, Rêve géorgien, qui brandit régulièrement la préservation des valeurs culturelles contre l’ingérence occidentale.
Réaction en miroir des mobilisations pro-européennes
Le contraste entre les deux manifestations — l’une traditionnelle, protectrice d’un ordre moral, l’autre tournée vers l’intégration européenne et les libertés démocratiques — souligne un clivage grandissant au sein de la société géorgienne.
À Tbilissi, les deux mouvements ne se sont pas physiquement croisés, mais la confrontation idéologique était palpable. À mesure que le pays s’approche d’un scrutin législatif crucial prévu en octobre, chaque événement public devient un champ de bataille symbolique. Alors que les États-Unis et l’Union européenne ont critiqué avec vigueur le projet de loi quitte à menacer Tbilissi de conséquences diplomatiques, le gouvernement géorgien semble multiplier les gestes d’adhésion à de puissants signaux conservateurs.
La « Journée de la pureté de la famille » revêt donc cette année un caractère profondément politique. S’inscrivant dans une stratégie plus large de réaffirmation de l’autorité du pouvoir, elle sert aussi de levier de mobilisation à une frange de la population attachée aux repères religieux et nationaux.