En dénonçant un « génocide » de fermiers blancs en Afrique du Sud, Donald Trump ne s’est pas contenté d’un simple effet d’annonce. Près de 50 réfugiés afrikaners sud-africains ont atterri à Washington dans le cadre d’un décret présidentiel signé en février, confirmant l’implication directe de l’ex-président réélu dans un dossier aussi sensible que polémique.
Grâce au décret 14204, signé le 7 février 2025, l’administration Trump a ouvert une voie d’asile accélérée aux Sud-Africains blancs affirmant être persécutés. Ce dimanche soir, une cinquantaine d’entre eux, descendants des colons néerlandais, français ou anglais, ont quitté Johannesburg pour les États-Unis. En à peine trois mois – contre un délai habituel de 18 à 24 mois – ils ont obtenu le statut de réfugiés.
Ce décret s’inscrit dans une série de 141 mesures exécutives prises depuis le retour de Trump à la Maison-Blanche. Passé inaperçu, il cible spécifiquement « les actions scandaleuses de la République d’Afrique du Sud », dans un contexte où l’ANC, au pouvoir depuis 1994, est accusé d’expropriations abusives et de politiques économiques discriminantes à l’égard des Blancs.
Un projet né en 2018
Trump s’intéresse à ce dossier depuis son premier mandat. En 2018, il avait demandé à son secrétaire d’État d’alors, Mike Pompeo, d’enquêter sur les « expropriations de terres et meurtres à grande échelle » de fermiers blancs en Afrique du Sud. Une prise de position qui avait provoqué l’indignation du gouvernement sud-africain mais aussi relancé, chez ses soutiens conservateurs, la thèse d’un racisme anti-Blanc.
Elon Musk, milliardaire né en Afrique du Sud et soutien de Trump avait récemment accusé le gouvernement de Ramaphosa d’avoir mis en place des « lois sur la propriété ouvertement racistes ». Il faut dire qu’une une loi impose aux entreprises d’avoir au moins 30 % de leur propriété ou de leur participation économique détenue par des Sud-Africains noirs. Cette exigence fait partie de la politique du Broad-Based Black Economic Empowerment (B-BBEE), lancée pour corriger les inégalités économiques héritées de l’apartheid. Même si l’objectif est de favoriser l’inclusion des groupes défavorisés dans la croissance économique du pays, comment ne pas voire dans cette loi une forme de discrimination ?
Trump réagit à l’arrivée des premiers réfugiés
Dans sa dernière déclaration, Trump a réaffirmé : « Les fermiers blancs sont brutalement tués et leurs terres confisquées. C’est un génocide, mais personne n’en parle ». « Qu’ils soient blancs ou noirs, cela ne fait pas de différence pour moi. Mais ce sont des fermiers blancs, et personne n’en parle. »
Trump déplore que les médias américains « refusent d’écrire ou de diffuser cette vérité » « Si c’était l’inverse, ce serait l’unique sujet dont ils parleraient. Mais là, silence total. »
Le président américain appelle à une pression internationale, affirmant qu’il pourrait « boycotter le prochain G20 » si la situation n’évolue pas.
L’Afrique du Sud entre crise économique et tensions raciales
L’Afrique du Sud traverse une crise économique profonde : 30 % de chômage, infrastructures dégradées, corruption endémique. Le rêve de réconciliation nationale prôné par Nelson Mandela semble s’éloigner. L’expropriation des terres, censée corriger les inégalités héritées de l’apartheid, reste un point de tension majeur. Si les Blancs représentent moins de 8 % de la population, ils possèdent encore la majorité des terres agricoles.
Des figures politiques controversées comme Julius Malema (EFF) n’ont pas hésité à raviver les tensions en scandant des slogans comme « Kill the Boers » lors de meetings.
Orania, Suidlanders… Des initiatives communautaires controversées
Les populations blanches d’Afrique du Sud n’ont pas toutes choisi l’exil. À Orania, une enclave exclusivement blanche, les habitants prônent l’autonomie sur la base de l’article 14 de la Constitution sud-africaine. Plus radicaux, les Suidlanders, fondés en 2006, anticipent un effondrement généralisé et une guerre raciale imminente.
Malgré cela, la majorité des Blancs sud-africains ne soutient pas ces projets séparatistes.
Une stratégie politique clivante
En agissant ainsi, Donald Trump renforce son image de défenseur des oubliés et des « victimes invisibles », tout en relançant une ligne dure sur l’immigration… mais à géométrie variable. Le décret 14204 soulève déjà des critiques pour son caractère discriminatoire, alors que des dizaines de milliers de réfugiés d’autres zones de conflit peinent à entrer aux États-Unis.