L’Algérie a annoncé, lundi 19 mai, la suspension de l’exemption de visa pour les ressortissants français détenteurs de passeports diplomatiques ou de service. Cette décision fait suite à une mesure similaire prise récemment par la France, marquant un nouvel épisode de tensions diplomatiques entre Paris et Alger.
Désormais, les diplomates français devront obtenir un visa pour entrer en territoire algérien, une exigence qui s’appliquera également aux titulaires de passeports spéciaux. Le ministère algérien des affaires étrangères a officialisé cette mesure par une note verbale transmise à l’ambassade de France à Alger. Cette annonce intervient après que la France a, en fin de semaine dernière, modifié unilatéralement le régime des visas accordés aux diplomates algériens. Le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, est à l’origine de cette décision qui, selon Alger, ne pouvait rester sans réponse.
Des décisions entérinées dans un contexte sensible
L’intention des autorités algériennes est claire : appliquer le principe de réciprocité en matière de traitement diplomatique, comme l’a rappelé le communiqué du ministère des affaires étrangères d’Alger. « La République algérienne démocratique et populaire a décidé de suspendre l’exemption de visa précédemment accordée aux détenteurs de passeports spéciaux, de service et diplomatiques français, entérinant un traitement équivalent à celui actuellement appliqué par la France », peut-on lire dans la note transmise à la partie française.
Cette modification du régime d’entrée pour les diplomates traduit un durcissement progressif des relations bilatérales, dans un environnement régional où les équilibres diplomatiques sont déjà fragilisés. À Paris, les autorités n’ont pas encore officiellement réagi à cette mesure, mais elle constitue une illustration supplémentaire des crispations récurrentes sur des sujets sensibles comme la circulation des personnes, l’histoire coloniale ou les intérêts stratégiques en Afrique du Nord.
Un précédent qui s’inscrit dans une série de tensions récurrentes
Ces dernières années, les relations franco-algériennes ont connu des hauts et des bas, souvent marqués par des polémiques autour des questions migratoires ou des déclarations politiques jugées offensantes de part et d’autre. En 2021, Alger avait déjà rappelé son ambassadeur à Paris après des propos jugés critiques du président Emmanuel Macron à l’égard du pouvoir algérien. Le climat avait ensuite été momentanément apaisé, notamment lors d’une visite du président français à Alger en août 2022, mais les gestes de confiance semblent à nouveau s’éroder.
La récente décision unilatérale de Paris d’imposer des visas aux diplomates algériens pourrait avoir été perçue côté algérien comme un désengagement de la France vis-à-vis des canaux traditionnels de la coopération diplomatique. En réponse, Alger revendique un traitement paritaire et entend affirmer son indépendance décisionnelle sur ces questions.
Un impact limité mais symboliquement fort
En pratique, la mesure ne concernera qu’un nombre restreint de voyageurs, les porteurs de passeports diplomatiques représentant une infime portion des flux bilatéraux. Toutefois, son impact symbolique est fort : dans les relations internationales, l’application ou la suppression des privilèges accordés aux diplomates est généralement perçue comme un indicateur précis du niveau de confiance entre deux États.
La suspension de l’exemption de visa n’impactera pas directement le grand public mais révèle un contexte diplomatique tendu, où chaque geste, même technique, peut avoir une portée politique importante. Elle intervient également alors que plusieurs acteurs régionaux et internationaux sont attentifs à l’évolution du partenariat stratégique entre la France et l’Algérie, sur fond de rivalités croissantes pour l’influence en Méditerranée et en Afrique sahélienne.